Delcourt de mars : Grande évasion, Aliénor, Complot et Malpasset

/ Critique - écrit par plienard, le 24/04/2014

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Deux séries bien installées, une petite nouvelle pas originale et une surprise, c’est le cocktail du mois de Mars qu’on vous propose chez Delcourt.

C'est la mode du moment chez Delcourt, les séries-concept en veux-tu en voilà. Après La Grande évasion, Les reines de sang, voilà une petite nouvelle Complot. Et puis, il y a Malpasset, la surprise !

La grande évasion, Asylum – note 6,5/10

Septième album de la série thématique de Delcourt, La Grande évasion, Asylum se déroule dans une prison qui est censée ne plus exister. Il y reste pourtant des prisonniers, qui ne sont pas vraiment conscients de leur état, et qui sont répartis entre différents groupes de couleurs.  Les rouges, les bleus, les jaunes et enfin les verts qui sont un mélange de jaune et de bleu. Chaque couleur correspond à un type de criminel et les verts sont un peu les bâtards de ce huis-clos. L’ordinateur central qui contrôle tout ce petit monde ne sait pas dans quel groupe de couleur « pure », ils doivent être rangés. Ils ne sont plus que trois verts. Anton-5, Sophie-3 et Mark-II.


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Ce huis-clos étouffant est signé Serge Lehman et Dylan Teague. Le premier est l’auteur, notamment, de la très bonne série Masqué, du récent Métropolis et du prochain Nyctalope (prévu en Avril 2014). Le dessinateur Dylan Teague a signé quelques comics sur des héros comme Judge Dredd ou Jonah Hex. Il a aussi à son actif un album de la série Le Casse – Diamond en 2010.

Loin de se concentrer sur les raisons pour lesquelles ces personnages ont été incarcérés, il est ici question de la prise de pouvoir d’une intelligence artificielle et de la prise de contrôle d’un ordinateur sur des existences humaines. Un thème récurrent dans les récits de science-fiction qui continue de faire peur quand ils sont bien traités (et bien dessinés) comme ici.

 

Complot, Krach 1929 – note 6/10

Les séries concept, comme on les appelle chez Delcourt, s’étoffe avec la nouvelle série, Complot d’Alcante et Gihef. Les deux auteurs alterneront d’ailleurs l’écriture des tomes qui paraîtront à raison de 2 par an.


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Et ce premier album est signé Gihef. L’auteur de Skipper chez Dupuis nous raconte sa vision du krach boursier de 1929 qui aurait été planifié par les ... nazis. Recrutant les meilleurs étudiants dans diverses catégories (économie, immobilier ...), Hitler et ses sbires font appel à Ulrich Schoeller, jeune diplômé en économie et affaires internationales. Il est envoyé à New York pour appâter la cupidité des gros investisseurs américains.

Si le concept est plutôt intéressant – un complot pour faire tomber l’économie américaine – on a quand même du mal à totalement y croire. La faute à l’étroitesse du one-shot qui ne permet pas d’approfondir et de bien expliquer le complot en lui-même. Ensuite le timing chronologique est plus que rapide. Arrivé en Septembre 1929, Ulrich arrive à convaincre les investisseurs en pratiquement deux coups de cuillère à pot pour arriver au résultat que l’on connaît le 29 octobre 1929. Le mec est un parfait inconnu et réussit à rentrer dans les milieux financiers par l’entremise d’un conseiller des Rockefeller. C’est un peu léger à notre goût. Mais peut-être cela suffit-il dans la réalité ?

Quand au dessin de Luc Brahy – Imago mundi, Climax – il est toujours aussi sympathique. Quand on pense qu’il est autodidacte !

Le prochain tome de Complot est prévu pour Aout 2014 avec le Trésor des templiers.

 

Reines de sang, Aliénor, tome 3 – note 7,5/10


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L’Histoire est un terreau intéressant pour les scénaristes en général, et le scénariste de bande dessinée en particulier. Alix, Les 7 vies de l’épervier ou encore le récent triptyque La Bataille sont un petit éventail de ce qui peut se faire avec d’un côté les fictions sur fond historique, de l’autre, des récits de la réalité adaptée.

Ici, nous sommes plutôt dans le second cas avec une reine de France, Aliénor, dont Arnaud Delalande et Simona Mogavino retracent l’existence. Femme impulsive, de pouvoir, elle ne conçoit pas de ne pas être le centre d’intérêt principal. Son caractère volage et impétueux lui font prendre des décisions qui vont parfois à l’encontre du bon sens et des intérêts du royaume. Mais peu importe, c’est son intérêt et son avis qui prévaut. Sa grande force est de réussir à obliger les autres et ce n’est pas son faible mari (Louis VII) qui va l’en empêcher.

Dans ce troisième tome, on croit pourtant découvrir une nouvelle reine changée, plus sage, que l’envie de maternité a apaisé. Devant la difficulté à avoir un enfant, elle y voit une punition divine (de ses frasques) et est prête à faire amende honorable. Mais dès qu’elle aura eu ce qu’elle veut, c'est-à-dire, un enfant, sa vraie nature va reprendre le dessus.

Une bande dessinée palpitante que l’argentin Carlos Gomez met parfaitement en image. Un dessin précis et détaillé avec un découpage nerveux et des prises de vue permettant d’exprimer les sentiments des personnages. Et si tout n’est pas parfaitement historique – le chevalier italien Vincenzo Damonte est fictif – on en a cure et on aime à suivre les frasques de cette dame de France.

 

 

Malpasset – note 8/10


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Une très bonne note pour cet album un peu particulier d’Eric Corbeyran. Loin des thrillers et autres histoires fantastiques du sérial-scénariste, cet album revient sur un fait réel, la catastrophe de Malpasset, le 02 décembre 1959.

Peut-être que, comme pour moi, le nom de Malpasset ne vous évoque rien. Et pourtant, il y est question de la plus grave catastrophe civile du XXème siècle. Le barrage de Malpasset, dans le Var, situé au-dessus de Fréjus, vient à céder, des millions de mètre-cube d’eau détruisant tout sur leur passage, faisant plus de 400 victimes et 7000 sinistrés !

Cet album n’est pas une version romancée de la catastrophe, mais un album témoignage des survivants que le scénariste a rencontré. Horne les dessine et met en scène leur témoignage avec des dessins sobres et sans fioritures, en noir et blanc.

Un premier chapitre – sans doute la partie la plus émouvante – reprenant les confessions des victimes, un deuxième chapitre plus technique qui cherche à expliquer les raisons de la catastrophe et enfin un troisième et dernier chapitre revenant sur les victimes qui raconte l’après-accident et des comportements pas toujours très humains.

ATTENTION ! Chaque histoire, bien que présentée sobrement, sans vouloir appesantir l’atmosphère, comporte une charge émotionnelle assez importante. Le simple fait de rapporter leur témoignage vous prend aux tripes et il m’a fallu arrêter la lecture à de multiples reprises pour ne pas tomber en larmes.

Corbeyran et Horne ont réussi leur pari et les gens qui témoignent peuvent à la fois être fier et content de ce bouquin. Il permet de ne pas oublier.