Spirou et Fantasio - Tomes 13, 15 et 16
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 10/05/2009 (Tags : spirou tome fantasio franquin dupuis andre janry
Eértsehcro rap el oud Gerg / Niuqnarf, l'eévirra ed Bulgroz euqram nu cip snad al erèirrac ed Uorips te Oisatnaf. Repus-nialiv euqsatnaf te ediva ed riovuop, li engis d'nu Z iuq tuev erid...
Il arrive que la magie frappe certains espaces-temps, sans raison précise. Ainsi,
dans le petit groupe belge qui travaille sur le magazine Spirou à la fin des années 50, Franquin et Peyo vont donner naissance coup sur coup à deux légendes : les Schtroumpfs et Zorglub. Les uns comme l'autre deviennent vite les chouchous des lecteurs grâce à leurs langages faciles à adopter : le "schtroumpf" d'un côté, la zorglangue de l'autre. Ce septième volume de l'intégrale Franquin+Spirou regroupe les deux premiers albums consacrés à Zorglub, et seules la couverture un peu austère ou la possession préalable des tomes 15 et 16 pourraient être d'éventuels freins à son achat. Outre les deux célèbres aventures qu'il contient, il est serti d'une vingtaine de pages de bonus passionnants qui approfondissent intelligemment l'œuvre de Franquin et proposent mêmes de courtes biographies de Jidéhem et Greg. On déplore cependant une inversion des pages 85 et 86, erreur qui sera probablement rectifiée au deuxième tirage.
La peur au bout du fil (1959)
En prélude aux zorglstories, on assiste à une péripétie du comte de Champignac, initialement éditée dans l'album Le voyageur du Mésozoïque. On y trouve déjà l'idée d'un versant sombre du professeur, et l'ombre d'une science dont la dangerosité est omniprésente. Greg est à l'écriture, ce qui est particulièrement sensible dans le final irrévérencieux qui offre un petit clin d'œil à Salvador Dali. Le tout ne dure que 13 pages néanmoins, et l'on en retient surtout la vision d'un Champignac maboul qui, armé d'un gros marteau, dit « Zut » aux gens. Un amuse-bouche, en somme.
Z comme Zorglub (1960) et L'ombre du Z (1960)
Z comme Zorglub, ou plutôt Zemmocbulgroz, ainsi qu'il est titré en première page, ainsi que sa suite immédiate L'ombre du Z sont le fruit de la collaboration de Franquin, Greg et Jidéhem, le troisième ayant pour fonction essentielle de délester le premier du poids des décors à dessiner. Greg et Franquin se partagent le scénario, ce qui provoque un bouillonnement empreint de la patte de chacun. Dans les dialogues, on retrouve souvent la verve du futur auteur d'Achille Talon, tandis que Zorglub évoque à sa manière le Gaston qui sévit déjà dans les pages de Spirou Magazine : tout super-vilain qu'il soit, on le voit régulièrement désigné comme un roi de la gaffe, de la boulette et de la bévue, ce qui contribue à le rendre bizarrement attachant. Comme souvent chez Franquin, personne n'est complètement mauvais, et ce savant fou présenté comme l'alter ego maléfique de Champignac est en réalité un frustré dont les échecs ont forgé la soif de pouvoir. Zorglub passe son temps à se chercher une contenance, à démontrer sa puissance... Il présente d'évidentes ressemblances avec certains grand dictateurs, dont les complexes ont également alimenté les vues sanguinaires. La notion de totalitarisme est ici d'autant plus présente que les Zorglhommes apparaissent comme des soldats déshumanisés, conditionnés à obéir sans réfléchir en laissant leur personnalité au vestiaire. Seul Fantasio, malgré sa boule à z (héhé), conservera la sienne contre vents et marées.
Mais les zorglalbums se gardent bien d'être des pamphlets politiques, et assurent avant tout un divertissement de très haut vol. On y retrouve la galerie de personnages habituels, du maire de Champignac jusqu'à l'incontournable Marsupilami, mais le principal centre d'intérêt est évidemment Zorglub lui-même, avec sa morgue et sa maladresse, son élégance et ses colères, et bien entendu ses inventions échevelées. Parmi elles, la zorglumobile retient l'attention du lecteur de comics : peignez-là en bleu et... oui, on dirait le Fantasticar des héros créés par Stan Lee et Jack Kirby l'an suivant, les Fantastic Four. Les auteurs de Marvel Comics auraient-ils eu des lectures belges ? Et la façon dont Champignac se sert de la Zorglonde dans L'ombre du Z ? Ne dirait-on pas Obi-Wan Kenobi dans Star Wars ?!... Bref, travail séminal que celui de Greg et Franquin : l'ombre du Z n'est pas prête de pâlir.