7/10Les Schtroumpfs - Tome 26 - Les Schtroumpfs et le livre qui dit tout

/ Critique - écrit par athanagor, le 08/04/2008
Notre verdict : 7/10 - Vous saurez tout sur le schtroumpf-schtroumpf (Fiche technique)

Pour leur 50e année, les Schtroumpfs reviennent avec un 26e album, qui lève le voile sur les plus grands secrets de leurs vies.

Ce qu'il y a d'extraordinaire avec les Schtroumpfs, c'est qu'on les a tous connus quand on était gamin. On a beau chercher, on ne se rappelle de personne nous ayant dit : « moi les Schtroumpfs je les ai connus vers 35 ans, quand je suis passé chef comptable ». En même temps, on ne connaît pas tous un ancien chef comptable. Bref, si on a tous connu ça étant petits, c'est parce que la première apparition des Schtroumpfs date de 1958, dans la Flûte à Six Schtroumpfs, aventure de Johan et Pirlouit, prépubliée dans le Journal de Spirou. Donc les Schtroumpfs ont peu ou prou 50 ans cette année. Bien sûr, à leur échelle, ça ne leur fait ni chaud ni froid : ils sont tous centenaires dès le départ et le grand Schtroumpf a 542 ans. Mais ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que cet album n'est que le 26e de leurs aventures, là où d'autres séries en seraient certainement à leur 75e, mais alors certes plus médiocre.

Chez les Schtroumpfs, par tradition, y'a deux trucs qui peuvent déclencher une histoire : soit Gargamel colle un GPS sur la queue d'Azraël et trouve ainsi un moyen de débarquer dans le village à l'heure de l'apéro. S'en suit alors une suite de foutage de Bronx sans nom, où finalement Gargamel réussit à les capturer tous pour les manger, les transformer en or ou s'en faire un pull. En général c'est le Schtroumpf survivant de la razzia qui débloque la situation, puis Gargamel perd son chemin dans la forêt et meurt dans d'atroces souffrances que la pudeur de l'auteur lui interdit de montrer.
Sinon, y'a l'option 2 : le grand Schtroumpf Malgré lui, le grand schtroumpf doit s'absenter...
Malgré lui, le grand Schtroumpf doit s'absenter...
décide d'aller faire un tour en forêt tout seul, ou de partir en voyage ou en séminaire, toujours tout seul, pour des raisons qui lui sont propres et qu'on ne saurait comprendre, nous, humains. Alors y'en a un (on voudrait pas balancer mais c'est souvent celui qui a des lunettes) qui colle tous les autres dans la mouise parce qu'il s'est cru plus malin. C'est toujours le Bronx à deux pages de la fin, quand le grand Schtroumpf arrive et répare le tout avant de coller deux claques au responsable et de l'envoyer au coin.

Eh bien cette fois-ci... c'est exactement pareil ! Gargamel en moins.

Mais les Schtroumpfs seraient-ils les Schtroumpfs si ce genre de schtroumpf ne leur schtroumpfait pas ? Franchement ? Car au final, ce qui fait la force des schtroumpfs, en plus de leur nombre et de la spécialisation de chaque individu, c'est la mise en place d'une intrigue simple, capable d'illustrer des idées qui aboutissent naturellement sur une morale souvent plus complète et fouillée qu'elle en a l'air, mais accessible au plus grand nombre, et surtout aux jeunes esprits. Et on peut se la jouer subversif et voter communiste tant qu'on veut, mais ce qui nous plaisait chez eux (et parfois encore maintenant), c'est que les Schtroumpfs sont des bons p'tits gars bien gentils, qui font de leur mieux et qui font des erreurs sans le faire exprès. Au final on les pardonne bien volontiers, comme les enfants aimeraient que ça leur arrive, ainsi que certains chefs comptables.

Pour cette 26e aventure, les auteurs tâchent de mettre en garde contre plusieurs fléaux, s'inspirant comme toujours du monde qui nous entoure, et se basant sur l'opposition qui peut exister entre intelligence et érudition. Avec en fond l'idée que « science sans conscience n'est que ruine de l'âme » et que ce n'est pas parce qu'on peut le faire qu'on doit le faire, l'aventure arrive à nous mettre face à une situation ou le véritable pouvoir n'est pas la force brute ou l'argent, mais bien la connaissance et sa première source : l'information. De son origine à sa censure, les auteurs donnent à s'interroger sur les questions suivantes : quel contrôle doit-on exercer sur l'information ? qui devrait alors le faire ? à quel moment s'en considère-t-il ... car il est convoqué aux ASSEDICS.
... car il est convoqué aux ASSEDICS.
comme responsable et dépositaire ? et qu'est-il prêt à sacrifier pour en garder le contrôle et le pouvoir ainsi conféré ? A l'heure d'Internet, cette histoire résonne à nos oreilles d'une façon très familière. On retrouve l'opposition classique entre ceux qui, face à un formidable outil de circulation de l'information, y voient surtout une source de savoirs susceptible d'améliorer leur quotidien en répondant à des questions immédiates et triviales, et ceux qui se désolent de voir qu'un outil si puissant et dont le potentiel est si merveilleux ne sert la plupart du temps qu'à montrer un singe qui se met un doigt dans le derrière. La question se pose alors de savoir s'il était vraiment judicieux de le rendre accessible au plus grand nombre. Qui a raison ? qui a tort ?... Quelqu'un a pris du pain ?

Ceci dit et pour simplifier la philosophie développée dans cet album, les Schtroumpfs se retrouvent tout de même face à une belle cochonnerie qui donne certes des réponses à toutes les questions (y compris la plus importante, l'origine du mot « Schtroumpf ») mais s'avère avoir surtout envie de foutre le Bronx, comme Gargamel et sans chat. Il sera donc plus simple pour nos amis bleus de trancher et de choisir leur camp, à savoir le bon. On fermera alors cette BD, après une lecture somme toute fort agréable et très coulante, avec le sentiment d'avoir compris quelque chose de plus à la vie, qui n'est finalement pas si compliquée que ça. Les rêves du lecteur seront alors peuplés d'une foule d'images ultra glamour concernant le métier de chef comptable, et il sera content.