XIII Mystery - Tome 1 - La Mangouste
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 13/12/2008 (Tags : xiii tome mystery mangouste dorison xavier dargaud
On n'attendait pas grand chose du spin-off d'une saga exsangue... et on avait tort. Dorison et Meyer apportent un souffle nouveau à l'univers de XIII et un visage humain au personnage de la Mangouste.
L'an dernier, Jean Van Hamme mettait un point final à la série XIII, en sortant simultanément La version irlandaise et Le dernier round dans un grand fracas médiatique. Pas question pour autant de laisser la poule aux œufs d'or s'endormir dans un coin : 2008 voit donc la diffusion d'une mini-série télévisée adaptée des premiers tomes, et surtout la naissance d'une collection dérivée supervisée par Van Hamme lui-même. Au départ, il le reconnaît lui-même dans la préface, la démarche était essentiellement commerciale. Mais de cette volonté prosaïque de faire du pognon, un concept intéressant émerge : XIII mystery, sur le modèle du 13ème tome de la série officielle, se concentrera sur les personnages secondaires en détaillant leurs origines et en apportant un éclairage nouveau sur leur rôle dans les évènements déjà connus. Les seconds couteaux d'un récit deviennent les vedettes du suivant, un concept cher au Quentin Tarantino des débuts ; la couverture de La Mangouste semble même être un clin d'œil au réalisateur, avec son tueur souriant
A la question "C'est toi
qui a piqué mon
shampoing ?", il répond...arborant un costard noir éclaboussé de sang. La comparaison s'arrête là, mais l'album se révèle aussi captivant que malin, et se lit aussi bien en solo qu'en complément de XIII.
1947. Schreiner, jeune menuisier orphelin de Berlin Est, subit l'oppression russe en compagnie de son tuteur Herr Weber. Lorsqu'il se rend aux Etats-Unis, ce n'est pas la découpe du bois qu'il choisit de pratiquer, mais le poinçonnage d'individus. Formé par Hans le retraité, il va progressivement devenir le tueur à gages connu sous le sobriquet de la Mangouste...
Dans la charte de XIII mystery, il est dit que chaque album doit réunir un scénariste et un dessinateur n'ayant jamais travaillé ensemble. Ici, le Xavier Dorison du Troisième Testament et de Long John Silver fait équipe avec le Ralph Meyer de Berceuse assassine. L'alliance fonctionne à merveille, dans une veine faite de classicisme raffiné et de respect à la série fondatrice. Le dessin de Meyer, sans être une reprise servile de celui de William Vance, offre une vision reconnaissable du personnage de la Mangouste, de son enfance à l'âge adulte. Cependant, la partie la plus audacieuse du travail provient du stylo de Dorison : comme le souligne Van Hamme, il était culotté de vouloir insuffler de l'humanité à un personnage aussi archétypal que la Mangouste (« un cliché sur pattes », ajoute même le scénariste). Quand on sait que l'intrigue toute entière est racontée par le personnage lui-même à l'une de ses victimes, et que les actes du tueur sont présentés de façon à rallier le lecteur à sa cause, on craint même l'attaque de mièvrerie qui risquerait d'émousser la force iconique de l'impitoyable homme chauve. On a tort. Dorison use des conventions narratives et
"Hé gamin, le look Lex Luthor est déjà pris... Essaie
plutôt la Kevin Smith attitude comme moi !"des codes du genre policier avec soin et savoir-faire, et permet une réelle empathie avec son personnage. Le parcours professionnel de Schreiner est retracé à travers une série d'épreuves initiatiques, parmi lesquelles on trouve l'inévitable entraînement à la Rocky au cours duquel le caractère se forge aussi sûrement que la couenne. Cette identification à un anti-héros amoral n'est pas sans rappeler l'excellent comic book Wanted de Mark Millar (le film sorti cette année n'a pas grand chose à voir).
Classique mais efficace, ancré dans la série XIII mais parfaitement lisible hors-contexte, ni cynique ni sirupeux, le traitement de La Mangouste par Meyer et Dorison est une excellente surprise, qui se consomme avec bien plus de plaisir que les derniers opus fatigués de la série-mère. On attend désormais les opus suivants avec curiosité : Irina par Eric Corbeyran et Philippe Berthet, Little Jones par Yann et Eric Henninot, Le colonel Amos par Alcante et François Boucq et Betty Barnowsky par Joël Callède et un dessinateur à déterminer. Sous réserve de changements de programme...