Les Tuniques bleues - Tome 53 - Sang bleu chez les Bleus
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 10/11/2009 (Blutch et Chesterfield croisent un fils de roi et quelques fils de... pas de roi. La série a néanmoins tiré ses dernières cartouches depuis un moment, et Cauvin économise ses idées pour être sûr d'avoir de quoi alimenter l'album de l'an prochain.
Depuis 1972, les Tuniques Bleues font l'objet d'un album par an (deux lorsqu'il fait beau), grâce à la plume infatigable et toujours agile du méga-vétéran Raoul Cauvin, à l'œuvre sur la moitié des séries de Spirou. Voici donc venue l'heure du tome 53, instantanément classé dans les meilleures ventes en raison de la popularité du titre. L'album lui-même ? Un épisode de plus, sans grande inspiration
Franchement ?...mais reprenant les standards de la série sous l'égide de ses papas habituels.
Ce n'est pas nouveau, on le sait depuis 53 tomes, le caporal Blutch et le sergent Chesterfield se détestent cordialement : le premier est un déserteur chronique, soucieux de ne pas perdre sa vie au combat, et le deuxième un patriote convaincu, mettant un point d'honneur à sans cesse court-circuiter les évasions de Blutch. On peut dire que ces deux-là ne peuvent pas se voir en peinture. La peinture, c'est justement la spécialité du petit nouveau, François d'Orléans, fils du roi de France et récemment arrivé dans les rangs des soldats nordistes. N'espérez pas pour autant apprendre quoi que ce soit sur l'individu, dont la biographie vous sera révélée de façon bien plus efficace par Wikipédia : né en 1818, mort en 1900, il a effectivement participé à la guerre de Sécession (en compagnie de ses neveux le comte de Paris et le duc de Chartres, absents de l'album). A la manière de Morris et Goscinny pour Lucky Luke, Cauvin a toujours eu soin d'alimenter son Far-West à l'aide d'anecdotes et de personnalités véritables ; pas de bol, il ne sait que faire de ce Français aux velléités artistiques (cette caractéristique est-elle seulement authentique ?), et se contente de le transformer en prof de dessin sur une vingtaine de pages, avant de faire bifurquer le récit vers une aventurette que l'on peut clairement avoir l'impression d'avoir déjà lue dans un album précédent. Les deux héros obligés de partir en mission de concert, amenés à emprunter des costumes à l'ennemi ? Le manque d'imagination de ces tribulations se double d'une absence complète de rapport avec l'histoire de
"... on se retrouvera dans le tome 54 !"François d'Orléans, comme si Cauvin avait réalisé à la moitié du scénario qu'il ne savait pas réellement comment utiliser ce personnage. Lambil, de son côté, connaît son boulot par cœur et le fait avec professionnalisme. Tout juste distingue-t-on une envie de représenter quelques cadavres sur le champ de bataille, comme pour introduire clandestinement les réalités de la guerre dans une BD à l'humour résolument tout public.
Le sujet n'était pourtant pas spécialement casse-gueule : un peintre en pleine guerre, c'était par exemple le thème de l'aventure rocambolesque de Van Gogh de Larcenet, sous-titrée La ligne de front. Mais à la décharge de Raoul Cauvin, il scénarise tellement de séries qu'il ne peut pas pondre chaque année un bon album de chaque. Le tour des Tuniques Bleues viendra peut-être l'an prochain ? Quoique... La Guerre de Sécession s'est déroulée de 1861 à 1865, elle n'a donc duré que quatre ans. A raison d'une aventure par mois, Blutch et Chesterfield n'ont pas pu en vivre plus d'une cinquantaine. Il serait peut-être temps d'arrêter la série avant de n'avoir véritablement plus rien à y raconter ?...