7/10Les Tuniques bleues - L'hommage aux Tuniques bleues

/ Critique - écrit par riffhifi, le 24/01/2010
Notre verdict : 7/10 - Lambil et Cauvin ne sont plus des bleus (Fiche technique)

Quatre décennies de Tuniques Bleues, célébrées par les artistes d'aujourd'hui et racontées par les auteurs Lambil et Cauvin (sans oublier l'hommage à feu Salvérius, premier dessinateur de la série).

Le bédétiste Blutch, président du festival d'Angoulême 2010, porte le nom d'un des deux héros des Tuniques Bleues. On mesure ainsi la longévité de la série, capable d'avoir bercé la jeunesse d'un auteur célèbre depuis déjà 10 ans, et de continuer à alimenter les librairies aujourd'hui encore... Faisons les comptes : créé en 1968, le titre est riche de 53 tomes, sous l'égide de l'infatigable, indéboulonnable scénariste Raoul Cauvin (présent depuis la création) et du consciencieux dessinateur Willy Lambil, à l'œuvre depuis le quatrième album, qu'il reprit à la suite de la mort de
Salvérius. La notoriété des Tuniques Bleues est incontestable : créée à l'origine pour remplacer la case "western comique" du journal de Spirou après la désertion de Lucky Luke, la série s'est bâtie une identité propre, autour de deux olibrius embarqués en pleine guerre de Sécession (dont un aspirant déserteur, justement) répondant aux noms de Blutch et Chesterfield. Utilisant la palette des gags liés aux caractères antagonistes, Cauvin fait du premier un Auguste gaffeur, râleur, débrouillard et individualiste, tandis que le deuxième fait office de clown blanc, un modèle de discipline et de sérieux que l'attitude de Blutch rend nécessairement chèvre. Les deux hommes sont pourtant inséparables, et un fond d'amitié les lie malgré leurs différences et leurs différents...

Cet album-hommage se divise en trois parties : tout d'abord 22 pages de pastiches et de paiement de tribut, signées de quelques noms bien sympathiques de la bande dessinée actuelle. Blutch évidemment, qui se fend également d'une courte préface, mais aussi Bouzard, Zep, Lindingre, Nix, Larcenet, Zidrou ou encore Clarke viennent présenter leurs respects à leurs aînés, sans compter les clins d'œil de Bercovici et Laudec, respectivement complices de Cauvin sur Les femmes en blanc et Cédric. Dans un deuxième temps, la parole est donnée à Lambil et Cauvin eux-mêmes, sur 27 pages retraçant la genèse et l'évolution de la série, la méthode de travail et les inspirations des deux hommes. Pour finir, une quinzaine de pages alimentent l'album en bonus : aperçu de l'ensemble des personnages marquants de la série, galerie des couvertures de Spirou mettant en scène les Tuniques Bleues, et enfin un chapitre consacré au goût de Lambil pour l'aquarelle, illustré de
quelques peintures représentant Blutch et Chesterfield.

A l'instar de Lucky Luke, Les Tuniques Bleues carburent à l'anecdote authentique, se nourrissent de personnages et de situations réels pour alimenter leur furie comique. D'ailleurs, il n'est pas interdit de voir en Cauvin, scénariste aux douze bras, un Goscinny moderne qui aurait eu la chance de vivre plus vieux mais souffrirait d'une certaine difficulté à arrêter ses séries avant l'épuisement des idées. Le cas de Blutch et Chesterfield n'est pas seulement lié au tarissement du "comique western" ou du "comique militaire", mais simplement à la relative brièveté de la guerre de Sécession, qui peine à fournir la matière nécessaire à l'écriture d'une cinquantaine d'albums. Cauvin et Lambil ont l'honnêteté d'évoquer le sujet dans cet album : le premier dit « Trouver un nouveau sujet m'est de plus en plus difficile », tandis que le deuxième confie : « Je ressens un manque de fraîcheur dans ce que je fais et j'ai souvent envie d'arrêter ». Alors, pourquoi ne pas tenter une nouvelle série ?... En attendant, L'hommage aux Tuniques Bleues constitue un bon pilier de bédéthèque pour ceux qui les ont aimés un jour. Et pour ceux qui les aiment encore, le tome 54 sort cette année.