Les Aventures de Lucky Luke d'après Morris - Tome 2 - La corde au cou
Bande Dessinée / Critique - écrit par Lestat, le 23/10/2006 (Critiquable mais pas exécrable, ce nouveau Lucky Luke a tout de même pour lui quelques bons points.
Sale temps pour les classiques de la BD. Franquin est mort, Greg est mort, Goscinny est mort, Morris est mort, Uderzo enterre Astérix, et comme si ça ne suffisait pas, Laurent Gerra s'empare de Lucky Luke pour en faire n'importe quoi. Si la Belle Province faisait illusion, la Corde au Cou montre déjà les limites du remaniement orchestré par Laurent Gerra. Non content d'hésiter entre la parodie et l'hommage, Gerra -et Achdé, que l'on suppose consentant- s'amusent à téléporter Lucky Luke dans un univers qui n'est pas le sien. Soit grosso modo celui d'Astérix, gros clin d'oeil à l'appui.
L'histoire en vaut une autre et n'est pas spécialement mauvaise. Jugez plutôt : pour échapper à la pendaison, les quatre Dalton n'ont d'autre solution que de se rabattre sur une vieille loi voulant que les condamnés à la corde soit graciés si mariés. Et Joe, Jack, William et Averell de trouver femmes chez les Indiens Têtes Plates. Des mariages qui ne seront pourtant pas de tous repos : si Averell flirte le parfait amour avec une charmante petite squaw, les trois autres épouses sont des mégères moches qui entendent bien mener les desperados à la baguette. Heureusement, les bandits remettront bientôt la main à la pâte : tout ceci n'était qu'une manoeuvre intéressée du chef des Têtes Plates pour dévaliser toutes les banques du pays et assurer la suprématie de la nation indienne face aux visages pâles qui ne respectent pas les traités.
"Taureau Ailé, tu peux lancer le riz"
Le vrai problème n'est pas que ce résumé reprend en vérité la moitié de l'album. Ce qui frappe d'emblée dans la Corde au Cou, c'est sa pauvreté. Il est vrai que la série Lucky Luke n'atteignait pas toujours des sommets d'écriture, mais Laurent Gerra fait ici très fort. "Et si les Daltons se mariaient" ? se demande l'auteur en guise de scénario, avant d'empiler les clichés de cette situation usée jusqu'à la moelle. Issue de secours inespérée, les braquages de banque relancent un chouia l'intérêt, tout en servant de prétexte à ré-introduire Lucky Luke dans ce qui était parti pour devenir un album des Dalton. Quitter le vaudeville pour retrouver le western fait du bien, mais quelque part, le coeur n'y est plus. Entre caricatures et références balourdes, notamment à John Wayne, La Corde au Cou transforme le Far-West de cocagne cher à Morris en un album goguenard dans lequel on ne parvient pas à rentrer complètement. Mis à part quelques scènes qui décollent un peu -une attaque de fourgon blindé, la scission fratricide avec Averell-, il n'y a pas de souffle. Comme dans ses spectacles, où il reprend les voix de célèbres personnalités en s'interrompant pour laisser au public le temps de rire, Laurent Gerra tente d'imiter, au hasard, Goscinny sans en retrouver la finesse et se concentre sur le gag plutôt que sur la construction d'un véritable univers.
Critiquable mais pas exécrable, ce nouveau Lucky Luke a tout de même pour lui quelques bons points. L'histoire divertit malgré tout et Achdé tient toujours bien son crayon, offrant un joli duel dans les dernières pages et un dessin aux angles plus libérés que celui de Morris. La volonté de toujours accrocher l'intrigue à une réalité historique - le fameux texte de loi- est également à saluer. Et il y a ce plan, l'un des derniers de l'album, laissant entrevoir un ventre soudain bien rond dans la tribu des Têtes Plates. Sacré Averell...