Daredevil - 2001-2002 - Underboss
Bande Dessinée / Critique - écrit par Kassad, le 25/04/2004 (Tags : daredevil comics elektra man marvel version heros
D'un certain point de vue, on pourrait dire que Bendis fait dans la dentelle, mais du genre de celle qu'on réalise à la mitrailleuse lourde.
Les super-héros ne meurent jamais
Comme les chats les super-héros ont plusieurs vies. Je ne sais pas si le nombre exact est de 9 mais en ce qui concerne Daredevil la troisième vient de commencer. Cette fois-ci c'est le scénariste Brian Michael Bendis qui prend en main le personnage. A l'origine c'est un enfant de Stan Lee (entre autres le créateur de Spider-man). Daredevil reste une curiosité parmi les super-héros (c'est le seul qui soit aveugle) mais combat des adversaires plutôt ridicules et reste cantonné dans son quartier de Hell's Kitchen. Bref, c'est un outsider coincé entre Batman et Spider-man dont on ne peut prévoir un grand avenir. L'intérêt pour ce personnage décline lentement jusqu'a ce que Frank Miller le prenne en main, et que par son incontournable Born Again le remette sur le devant de la scène en en faisant un des personnages les plus fouillés du monde des comics. Depuis le personnage végète au gré des auteurs en vivotant sur l'image d'un super-héros tourmenté avec des penchants fascisants et des questionnements théologiques qui le taraudent.
Tabula Rasa
Alors Bendis, en scénariste qui se respecte et pour marquer le personnage de son empreinte, prend les choses en main. Et il ne fait pas les choses à moitié. Tout commence dans Underboss, par l'arrivée en ville d'un petit Rastignac du crime. Silke est le fils d'un vieil ami du caïd. Enfant gâté qui se croit tout permis il a même réussi à se rendre indésirable dans la ville de son père. Ce dernier l'envoie dans Hell's Kitchen pour le mettre au vert. Mais cette leçon ne lui a pas suffi. Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis et Silke en tient une suffisante pour lui tenir chaud l'hiver. Pour preuve sa première idée est d'éliminer Daredevil... ce que lui interdit formellement le caïd. Mais ces jeunes n'ont plus aucun respect pour les anciens et le caïd n'échappe pas non plus à cette règle. Tant qu'il y est, Silke projette aussi de se débarasser de lui. Ce ne sont rien de moins que les deux piliers les plus importants de la galaxie Daredevillienne qui sont explicitement visés. D'un certain point de vue, on pourrait dire que Bendis fait dans la dentelle, mais du genre de celle qu'on réalise à la mitrailleuse lourde.
La vie est compliquée pour tout le monde
Et ce n'est pas fini, poursuivi par les tueurs de la veuve du caïd, Silke se réfugie au F.B.I. et en échange de sa protection, il divulgue l'identité secrète de Daredevil. Je ne vous en dirai pas plus, mais sachez tout de même que ça continue de déménager sévère durant tout le long de ce nouvel arc Daredevilien. Bendis remet le personnage au goût du jour en réactualisant les thèmes autour desquels tournent les histoires. Lynchage médiatique, amoralisme des truands, versatilité de l'opinion publique, les super-héros ont-ils encore une place dans notre société ? Avec le secret de son identité Daredevil perd la dernière chose qui lui restait. En plus d'être l'homme sans peur, il est devenu un être sans attache, plus rien ne le retient si ce n'est une mince pellicule d'intégrité morale. Résistera-t-elle à la pression ? C'est tout l'enjeu que Bendis insuffle dans le personnage.
Le roi de la jungle
Et petit à petit, insensiblement Daredevil s'enfonce toujours plus profond dans la noirceur. Il ne s'occupe plus que de lui, il intimide un agent du FBI pour ne pas qu'il témoigne, il tabasse le caïd devant une assemblée de truands pour leur montrer qui est le chef de Hell's Kitchen. Il continue bien de courir pour sauver la veuve et l'orphelin mais on sent bien que c'est plus par habitude que par conviction. Alors entre l'amertume d'une vie sans espoir, l'idéalisme perdu, et l'éternelle quête de la rédemption, de quel côté va pencher la balance ? L'arc des récits amorcé par Underboss est en plein en cours de construction, le suspense reste entier...