Sillage - Tome 5 - 'J.VJ,..'\_ :
Bande Dessinée / Critique - écrit par Evan, le 16/10/2007 (Une aventure très rythmée pour une critique finalement très convenue sans être trop fade des inégalités sociales.
Pour ce nouvel opus des aventures galactiques de notre héroïne à la jolie frimousse, Morvan et Buchet nous ramènent sur Sillage pour mieux pointer du doigt les inégalités qui y résident. Pauvreté, maladie, terrorisme et surtout races dirigeantes et pouvoir décisionnel font rarement bon ménage et Nävis va le découvrir à son insu, embarquée de force dans une lutte perdue d'avance...
« Ma vie pour les miens ! »
Sa vie pour les siensAlors qu'un nouvel attentat suicide est perpétré par un individu FToRoSs hurlant ces derniers mots, sur une des lignes de métro d'une zone retirée de Sillage, Nävis s'apprête à vivre une soirée qui lui est entièrement dédiée. En effet, les Jidis à qui elle avait vendu l'épave de son vaisseau (cf : tome 1 : A feu et à cendres) ont tellement progressé dans l'étude de l'appareil et de ses équipements qu'ils ont organisé une exposition gigantesque regroupant leurs découvertes. Entre les vitrines qui présentent des objets inconnus de tous et les déguisements de circonstance pour tester la « mode humaine », tout aurait dû se passer à merveille. Malheureusement, lorsqu'un individu s'avance pour prendre la parole et qu'il est clairement identifié comme étant l'ambassadeur FToRoSs, la foule a peur. A raison. Va-t-il s'exprimer sur les attentats perpétrés par son peuple ? Pour Nävis, ce n'est que le début d'une course folle pour rester en vie, pour comprendre la situation qui la dépasse et agir en la faveur de ceux qui sont opprimés. Mais en aura-t-elle le temps ?
Si le tome précédent présentait avec finesse les marchandages et les magouilles qui s'opèrent au sein même de la communauté de Sillage, en ce qui concerne le commerce des planètes, cette nouvelle aventure nous embarque en pleine détresse FToRoSs, à la découverte d'une race laissée de côté, abandonnée à son sort, recluse dans des bidons-nefs qui ne sont ni entretenus ni correctement aménagés et où la vermine croît, où la maladie est une chose commune et décime la population. Notre innocente héroïne pourrait bien tomber de haut en découvrant ces conditions de vie qui poussent certains d'entre eux à vouloir attirer l'attention des races dirigeantes. Et c'est par la force qu'on va l'y amener, quand un groupe de FToRoSs va menacer d'exterminer une race entière si rien n'est fait.
Comprendre, toujours comprendre
Confrontée à cette violence et cet extrémisme, Nävis ne se pose pas en juge. Et c'est avec intelligence que Buchet et Morvan vont amener le regard frais d'une innocente sur les raisons qui peuvent pousser un individu à se sacrifier pour une cause. Doit-on juger, doit-on comprendre et pardonner ? Il est bien difficile de se positionner, même pour celle qui aspire à l'égalité des races et des individus. Nävis avait jusque là une vision un peu réduite des tenants et des aboutissants du monde qu'elle apprenait à découvrir, et lorsqu'elle montait au créneau, c'était pour des causes ponctuelles et simplissimes. En la confrontant à l'extrémisme terroriste d'un peuple délaissé, son regard doit s'aiguiser, et le nôtre suit forcément. En quelques scènes de tension palpable (combinaison encore réussie d'une narration intelligente, d'un découpage inventif et d'un dessin efficace), le propos est là, le message est délivré : faut-il aveuglément condamner ? Nävis cherchera à comprendre... et forcément à agir.
Dans les bidons-nefsMalheureusement, si l'idée de fond touche et fait réfléchir, si la réflexion est bien amenée et argumentée, au milieu de scènes d'action ou de dialogue qui rythment le tout sans jamais laisser retomber la tension, certains points sont malheureusement convenus et le propos de ceux qui ont baissé les bras ne semble jamais si désespéré qu'il devrait l'être. Knardia est un personnage qui semble n'être développé qu'à moitié. Il lui manquerait presque une péripétie ou deux pour mieux s'étendre sur un sujet qui le mérite. Et au final, la visite des bidons-nefs n'est qu'une accumulation de clichés de notre propre société et des îlots de détresse qu'elle a engendré et qui subsistent encore. Heureusement, cette toile de fond plutôt conventionnelle n'est qu'un décor à l'action, aux enjeux de cette quête de notre héroïne, et le final se voudra à la hauteur du combat des FToRoSs, heureusement.
Au final, sous couvert d'un trait richissime (certaines planches mériteraient presque un petit jeu du genre « Où se trouve le briquet ? » tant elles sont vastes et détaillées) et d'une narration nerveuse et tendue, les clichés du peuple pauvre désespérément révolté ne fait peut-être pas autant mouche qu'il aurait dû. En reste tout de même une vaste impression d'injustice qui prend au ventre et qui va, une fois encore, miner Nävis... Elle découvre, et on la suit ainsi, qu'il est facile de ne pas vouloir être juge, mais qu'il est presque insurmontable de vouloir faire bouger les choses seul, qu'on soit en bas ou en haut de l'échelle sociale. Et c'est ce poids-là qui est le plus dur à porter pour elle. Nävis fait la douloureuse expérience (et cela risque de se répéter aux vues de ce qui arrive sur Sillage depuis un volume au moins) de ne pas pouvoir sauver tout le monde. Comment en ressortira-t-elle ?