9/10Sillage - Tome 3 - Engrenages

/ Critique - écrit par Evan, le 23/09/2007
Notre verdict : 9/10 - Jeune fille Haut-Pair (Fiche technique)

Tags : sillage tome eur morvan buchet engrenages delcourt

Un album encore soigné qui place Nävis au beau milieu de l'ère industrielle pour lui permettre de s'y retrouver... et de s'y perdre peut-être un peu.

Nävis en plein Paris à l'ère industrielle... aurait-elle fait un bond dans le temps et retrouvé la seule race parfaitement inconnue de Sillage : la sienne, l'Humanité? En fait, non, Morvan et Buchet nous emmènent faire un voyage sur une planète où l'évolution a fait un bond en avant et duquel Nävis n'est pas prête de revenir indemne!

Nävis a grandi

Une rencontre inattendue
Une rencontre inattendue
TRI-JJ 68 est une planète que Sillage a délaissé lorsque le convoi gigantesque l'a frôlé, il y a des cycles, n'y ayant trouvé aucun intérêt pour les races de la communauté. Comme pour chaque planète, ils poursuivent néanmoins leurs observations et les derniers rapports sont surprenants. Rib'Wund confie donc officieusement à Nävis la mission d'aller enquêter sur une race humanoïde ayant fait son apparition au beau milieu des Püntas, seuls animaux peuplant la planète par le passé... Parce que ce semblant d'humanité l'intrigue, la jeune intrépide va accepter de s'y rendre, sans savoir que ce qu'elle va y trouver ne sera pas pour lui plaire.

Nous voici embarqués en pleine révolution ; le peuple opprimé par un gouvernement fortement militarisé est sur le point de se soulever, Clément Vildieu en tête, les armes au poing et la rage au ventre. Et il faudra bien plus que de la patience aux Hauts-Pairs pour en venir à bout. Nävis débarque donc en pleine lutte pour la liberté et va y ajouter son grain de sel, en cachant tant que possible ses vrais intentions. Mais les cache-t-elle vraiment ou la rage du combat pour la justice, un des traits de caractère principaux de notre jeune héroïne, ne l'envahit-il pas? On découvrira vite que la petite fille coléreuse sait garder son sang-froid. C'est d'ailleurs la grande nouveauté de ce tome : Nävis a grandi, elle a mûri. On la voit par exemple clouer le bec à un résistant pourtant tête brûlée ; elle prend les choses en main (peut-être un peu trop, d'ailleurs) pour mener sa barque et réussir sa mission... Et c'est cette même mission qui nous révèlera sa vraie maturité : Nävis est une femme, et elle souffre désormais de ce qu'elle a toujours voulu savoir. Qu'adviendra-t-il de cette soif de connaissance, dans l'avenir ?

Du travail soigné, évidemment

Nävis, arborant de nouvelles couleurs
Un nouveau design pour Nävis
Le trait reste fidèle à lui-même : que ce soit dans le détail d'un gros plan ou dans la richesse d'un plan large, Buchet signe encore là de très jolies cases. Encore de longues minutes, l'histoire mise en pause, pour observer ce soucis du détail que la coloration sait ne pas trop mettre en avant sans pour autant le gommer. Un travail minutieux qui paye !

Du marron de la ville au vert du "chantier" en passant par le bleuté des collines enneigées, ce tome est résolument grisé. Le terne s'oppose au vif coloré des plans où l'humanité se dévoile et l'effet entre Passé et Présent est saisissant. Encore une fois, la colorisation démontre qu'elle n'est pas qu'un artifice et rien que pour ça, le plaisir de lire Sillage en est multiplié.

Enfin, si l'album se targue d'un ajout de pages, ce n'est que pour mieux développer une trame narrative dans un monde totalement nouveau qu'on appréhende avec une facilité déconcertante, grâce au talent de raconteur d'un scénariste que j'apprécie de plus en plus (une ou deux ellipses un peu dérangeantes, mais le reste est irréprochable) et d'un dessinateur qui sait donner le meilleur d'une scène, passant notamment d'une courbe à une autre pour illustrer le rapport proche/éloigné et qui gère les points de fuite avec brio !


Nävis poursuit ainsi son voyage et nous entraîne avec plus de maturité vers des vérités qui ne font pas toujours plaisir à entendre, des situations pas forcément plaisantes à vivre et des étourdissements de la vie dont on ne peut qu'attendre qu'ils passent... Et comme elle le dit avec une silencieuse amertume et une triste résignation : "Le pire, c'est que ça finit toujours par passer". Nävis évolue et Sillage poursuit son chemin, pour notre plus grand plaisir.