6.5/10I.R.$. - Tome 10 - La loge des assassins

/ Critique - écrit par athanagor, le 27/05/2008
Notre verdict : 6.5/10 - ... and I am Weasel ! (Fiche technique)

Pour sa 10e apparition, dans le 5e diptyque centré sur le Vatican, l'agent de l'I.R.S. Larry B. Max se paie le luxe d'être le héros du best seller du mois de mai 2008. Luxe qu'on espère qu'il a bien pensé à déclarer, sinon il va avoir de gros ennuis, vu les méthodes de sa boîte.

C'est avec un étonnement toujours croissant que l'on voit régulièrement apparaître les divers épisodes de cette série mettant en scène un agent des impôts américains (car il s'agit bien de cela) qui a préféré un poste d'agent du fisc à une carrière d'acteur que lui garantissait son producteur de papa, et l'accueil prophétique généralement réservé aux divers opus.

C'est avec un étonnement encore plus étouffant que l'on apprend le rayon d'action de cette administration qui, alors qu'elle n'est censée s'occuper que de l'établissement des taxes et de leur prélèvement, et plus particulièrement l'impôt sur le revenu au sein du territoire des Etats-Unis (comme son nom l'indique d'ailleurs : Internal Revenue Service), s'avère être en fait une agence supra nationale qui va fureter dans les affaires de blanchiment d'argent de banques qui ne sont même pas américaines.

On crache carrément son Nesquik par le nez quand on constate avec stupeur que l'agent Max est armé et possède de toute évidence un permis de tuer, et ce quel
que soit le pays où il se trouve. Comme il n'est sûrement pas le seul gars de sonSaperlotte, quelle fâcheuse posture.
Saperlotte !
service, on regarde en cette période de déclaration fiscale, sa feuille d'impôt avec encore plus de méfiance. On comprendra toutefois qu'une série baptisée I.R.$., mettant en scène un comptable squelettique au prise avec la machine à café du troisième étage et secrètement amoureux de Barbara, la standardiste rousse fan de country, qu'il croise tous les matins en sortant de sa Buick à crédit sur le parking du 4e sous-sol, et bien c'est moins bandant. Et c'est vrai : être inspecteur des impôts ET double zéro, c'est la classe ultime.

Alors soit ! Acceptons cette idée d'une administration nationale opérant secrètement sur tout le globe pour mettre à nu les secrets les plus sombres que dissimulent d'exubérantes sommes d'argent, et tant pis pour le qu'en-dira-t-on. Peut-être verrons-nous bientôt apparaître avec autant de bonheur une série sur un postier ninja qui va débusquer les trafics en tout genre, prenant comme couverture les envois en colissimo, et dont le nom sera U.P.$.

Pour ce dernier album, on assiste à la clôture de l'enquête sur Markus Scailes, The banquier du Bigre ! Quelle chaleur !
Bigre ! Quelle chaleur !
Vatican, et au dénouement concernant ses versements à Herr Reitmann, ancien criminel de guerre nazi. Les suspicions élaborées dans l'épisode précédent concernant des liens entre le Vatican et l'Allemagne nazie sont dispersés pour faire place à une solution qui tient bien la route, tant sur le plan narratif que vis-à-vis de la crédibilité de l'histoire. Malgré un commencement un peu mou, le lecteur qui a décidé que cette BD ne lui plairait pas finit malgré tout par se faire embarquer dans l'intrigue et poursuit jusqu'au bout la lecture pour atteindre au dénouement tant espéré. On touche presque, alors, au tour de force. Malheureusement, la lecture est émaillée de moments où on lève les yeux au ciel l'espace d'une seconde pour se dire : « oh ! ça c'est nul ! ». Moments qui surviennent dans toutes les lectures et ne constituent généralement pas un élément suffisant à la disqualification d'un album. Mais ici, ces moments par trop nombreux hachurent la fluidité de l'embrigadement dans lequel on est volontiers porté à se laisser aller, et syncope un ensemble plutôt agréable d'autant d'apostrophes de médiocrité.

Dans le désordre :

On se désole de scènes d'action pâlottes, où l'on frôle l'énervement à la vue du stoïcisme du héros qui en viendrait presque à se curer les dents sous une pluie de balles, tirées par des hommes de main qui ont manifestement oublié leurs lunettes. Evidemment quand le héros tire les trois balles qu'il a laissé dans son chargeur depuis sa dernière mission, il dézingue à coup sûr les cinq malfaisants qui s'obstinent à vouloir tirer sur la lampe au dessus de lui.

Page 44, Max comprend enfin ce qui se passe et met un nom sur son intuition, alors que tous les enfants de 7 ans qui le suivent depuis le début avaient pigé à la page 35, soit au regard de l'action 4 ou 5 jours avant. On se demande alors comment un personnage aussi con a pu nous intéresser aussi longtemps et comment les auteurs peuvent se regarder dans une glace après un tel excès de flagornerie à l'égard du lecteur. C'est d'autant plus pourri qu'on était tous persuadé qu'il avait compris en même temps que nous, vu qu'il disait rien (pas vrai les gars ?).

Les méchants font partie d'une « loge » (comme l'indique le titre), terme cité à l'envie tout au long de l'aventure, faisant immanquablement penser à laFichtre ! Mettez-vous instamment parallèle au sol !
Fichtre ! Mettez-vous instamment parallèle au sol !
franc-maçonnerie (certaines critiques de l'album n'hésitent d'ailleurs pas à faire référence à une loge maçonnique). Or, quand on connaît un peu la maçonnerie, on a un peu du mal à suivre l'aventure sans se dire que les auteurs auraient pu choisir un autre terme, tant l'ambiguïté que suscite celui-ci est malvenue.

Le plus gênant, et on est à deux doigts de ne pas s'en rendre compte, c'est qu'à la fin de cette enquête, qui a nécessité énormément de temps et d'argent pour être menée à son terme, Larry B. Max n'a pas récupéré un seul dollar pour le compte de son administration. Et là, on se sent un peu complice d'avoir grillé l'argent du contribuable américain, déjà bien en peine de payer les traites sur sa maison.

Tous ces défauts, qui émaillent l'histoire, empêchent d'être complètement submergé par celle-ci et d'adhérer sans retenue à la crédibilité vacillante de ce super héros des temps modernes, qui a su trouver, dans les jadis lecteurs de Boule et Bill, devenus aujourd'hui traders à la SG, un public fervent, à la recherche de bonnes histoires sur fond de mondialisation, avec du fric, des femmes et des flingues.