Auto Bio* - Interview de Cyril Pedrosa - 25/04/2008

/ Interview - écrit par Maixent, le 26/04/2008

Interview de Cyril Pedrosa le 25 avril 2008

Entre deux albums, Cyril Pedrosa a accepté de répondre à nos questions. Un grand merci à cet auteur qui nous permet ainsi de mieux le connaître et qui répond enfin à la question qui me taraudait depuis la lecture de Auto Bio, à savoir : que faire des bouchons de bouteilles en plastique ?...


Krinein : Quels sont tes maîtres à penser pour un dessin toujours en mouvement qui semble toujours tanguer un petit peu ?

Cyril Pedrosa : C'est vrai que j'aime bien les dessinateurs qui mettent du déséquilibre dans leur dessin et qui acceptent l'imperfection et l'erreur pour trouver la vitalité et l'émotion. Je n'ai pas de maître à penser, mais dans cette ligne-là j'aime bien des dessinateurs aussi différents que Pratt, Reiser, Boffa, Blutch, Prudhomme ou Lisa Mandel et plein d'autres que je vais regretter d'avoir oublié...

Naviguer entre Delcourt, Fluide et Dupuis, cela change ta vision des choses ? Est-ce que ton travail s’en ressent ?
C'est-à-dire que j'aime bien avoir cette liberté de travailler avec des gens très différents, au gré des envies, des rencontres... Mon travail est influencé comme tous les auteurs par les gens que je rencontre, et les éditeurs en font partie, mais la dynamique est dans l'autre sens : je veux faire des livres différents les uns des autres ce qui me pousse à aller voir des éditeurs différents.

Dans la même veine, c’était un besoin de passer à quelque chose de plus léger que Trois Ombres qui mêle l’enfance et la mort avec un style beaucoup plus noir ?
Ce n'était pas un « besoin de légèreté », c'était tout simplement une envie. J'étais en pleine forme et très heureux pendant et après Trois Ombres, je n'avais pas besoin de me changer les idées. « Auto bio » correspond tout simplement à un aspect, parmi d'autres, des choses que j'aime faire. Je pensais depuis longtemps à écrire des choses à partir de mon expérience de militant politique de base chez les Verts, de la difficulté de l'engagement, de plein d'aspect marrant de la politique dont on parle assez peu, mais je ne trouvai pas de bon angle... Lorsque Thierry Tinlot m'a dit qu'il serait content de m'accueillir chez Fluide, j'ai tout de suite repensé à cette idée, que j'ai retravaillé sur un versant plus quotidien, plus familial... et ça m'a beaucoup amusé.

Tu considères Auto bio comme un album d’humour, ou un album engagé ?
Trèèèèèèès bonne question ! Je pense que c'est un livre drôle sur l'engagement. Dans le fond, c'est un sujet sérieux cette question de « quelle est ma part de responsabilité dans le monde tel qu'il est », raison de plus pour en rire. Mais ce n'est pas un livre militant, je ne cherche pas à convaincre les gens, je cherche à partager quelque chose avec eux.

Quelle est la part d’autobio dans Auto bio ?

Tout est vrai, ma maison, mes enfants, mes amis, les événements, et tout est faux Cyril Pedrosa
Cyril Pedrosa
puisque je raconte tout cela à ma façon, pour en faire une bande dessinée.

Es-tu un bobo ?
Là franchement, je n'en sais rien. J'ai l'impression que les « bobos », c'est un peu toujours « les autres ». Ce qui est vrai, c'est que je vis dans un confort dont je suis conscient, et qui me retient beaucoup de faire la morale à mes concitoyens.

Quel est ton point de vue sur la question de l’écologie, de l’école Freinet et de tous ces comportements et attentes du XXIe siècle ?

Je trouve que l'école Freinet où sont mes enfants n'est pas parfaite, comme toutes les écoles, mais qu'elle a le mérite de se poser tous les jours des questions et d'essayer des réponses : comment faire l'école avec des enfants de milieu et de cultures différents, avec pour certains des handicaps, physiques ou psychologiques, pour d'autres des facilités...
Pour le reste de votre question, c'est difficile de répondre en trois lignes. J'ai le sentiment que nous sommes dans une période de tension, où s'affrontent nos habitudes, mais aussi nos intérêts individuels et collectifs d'un côté, et de l'autre la réalité d'un monde aux ressources limitées. Donc c'est un problème politique majeur, qui dépasse largement des questions franco-françaises, et qui dépasse aussi mes compétences... Et je trouve qu'en-dehors des mouvements de l'écologie politique, ces enjeux sont sous évalués.
Il ne fallait pas me poser une question sérieuse.

Est-ce que les saucisses cocktails sont un élément essentiel de ton alimentation ?
J'adore ça, c'est mal, et je n'en mange qu'occasionellement avec délectation et culpabilité.

As-tu trouvé réponse à la question « faut-il vraiment enlever les putains de bouchons en plastique pour les recycler ? »

Oui, mon ami Pierre m'a dit qu'il faut les enlever sinon les bouteilles explosent.

Où jette-t-on « l’autocollant facilement détachable » collé sur l’album ?
Dans la poubelle du « tout venant », ce n'est pas recyclable. C'est mal.

Pourquoi tant de haine envers Tokio Hotel ?

Parce que mon fils aîné a écouté ça en boucle pendant des jours sur MA chaîne hifi, et c'est insupportable. Mais fort heureusement, il est passé à autre chose depuis.

Tu es maintenant un auteur de bd reconnu, quels sont tes projets pour la suite ?

Je n'ai pas le sentiment d'être un auteur reconnu, mais je ne suis pas contre, j'aimerais bien avoir ce sentiment de sécurité là. En ce moment je travaille sur le deuxième tome de « Brigade Fantôme » chez Dupuis avec mon camarade David Chauvel, et puis cet été j'ai prévu de commencer un nouveau livre tout seul, sur un sujet contemporain, une fiction sur les migrants, le lien aux origines, le sentiment d'identité...

Si tu avais un disque, un livre, un film et une bande dessinée à recommander en ce moment, quels seraient-ils ?
Je recommanderai de profiter de la sortie du troisième tome de La Guerre d'Alan d'Emmanuel Guibert pour acheter les trois volumes et savourer d'une traite ce moment d'humanité assez précieux.

Quelle est la question que je n’ai pas posée à laquelle tu voudrais répondre ?
Il n'y en a pas, je voudrais retourner travailler maintenant...