Aldébaran, Antarès, les Survivants... - Entretien avec Leo

/ Interview - écrit par Guillom, le 06/04/2013

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Il a l’âge d’être le grand père de beaucoup d’entre nous (ou alors est-ce moi qui suis un peu jeune) mais il n’arrête pas la bande dessinée pour autant. Scénariste et dessinateur, auteur brésilien de bandes dessinées françaises, Leo cumule les rôles et les œuvres. Et c’est tant mieux. Les mondes d’Aldébaran a été récemment traduit en anglais… Si ce n’est pas une preuve de succès !


Marcher sur l'eau est devenu mainstream

Comment avez-vous commencé la bande dessinée ?

J’ai commencé à ne faire que ça professionnellement en 1991, avec la série Trent, un western se déroulant au Canada. Après, petit à petit, j’ai agrandi mes séries avec d’abord Aldébaran en 94 jusqu’à aujourd’hui. C’était le genre d’histoire que je faisais toujours dans ma tête. Dès que j’ai pensé à faire de la bande dessinée, je voulais la faire sur cette histoire-là : de la science fiction dans un futur assez réaliste, plus facile à croire qu’une époque trop lointaine dans un futur trop lointain. C’est ça que je voulais faire, je ne sais pas pourquoi. Quand j’ai entrepris l’écriture du scénario d’Aldébaran, j’avais déjà fait plusieurs essais. Puis je suis arrivé en France en 81, avec plusieurs BD sous les bras pour des maisons d’édition mais ça n’a pas marché. J’ai dû commencer à faire de la publicité pour pouvoir survivre. C’est dix ans après, à force d’insister, de persévérer, que j’ai pu faire Trent, avec Rodolphe, le scénariste. On était dans le troisième tome, qui marchait plutôt bien et je commençais à connaître des gens aux maisons d’édition Dargaud. Un jour, j’arrive avec ce projet que je ramenais du Brésil. Quand j’ai dit que c’était de la science fiction, on m’a répondu que ce n’était pas à la mode. Puis j’ai présenté l’ouvrage et on m’a dit « mais c’est génial ton truc ! ».

Dans les cycles d’Aldébaran, vous avez développé un univers très vaste et des personnages à la psychologie assez poussée. Où puisez-vous votre inspiration ?

Lors de l’écriture, j’ai déjà imaginé les personnages avec mon esthétique
Est-ce la Terre ?
très réaliste. Pour Aldébaran, c’était très important pour moi que le personnage principal soit une femme qui évoluerait pendant la série. Quand l’histoire commence, c’est une adolescente de 13 ans et on va la voir grandir au fur et à mesure que les tomes passent. Pour les bêtes, je commence à imaginer l’histoire, à imaginer comment je vais dessiner cette planète, une planète inconnue, comment vont être les paysages. Je me suis dit qu’il ne fallait pas faire un truc trop mirobolant. Il faut être réaliste et comme je viens du Brésil, je veux représenter les paysages que j’ai en tête, dans ma mémoire, les côtes brésiliennes verdoyantes, chaudes, les plages de sables blancs… Ici, en Europe, ça c’est exotique, les gens ne connaissent pas, même si pour moi c’est banal. Alors j’ai importé ça : je dessine le petit village de pêcheurs où débute l’histoire comme si c’était un village brésilien. Mais ici c’est exotique et ça a marché.

Les créatures ont un grand rôle à jouer dans vos œuvres. Alliées ou antagonistes, elles donnent un caractère unique à vos séries. Comment avez-vous créé ces étranges animaux ?

Cette planète, c’est tout sauf la Terre, et pour montrer que ce n’est pas la Terre, il fallait ajouter quelque chose sur cette « planète normale »… quelque chose d’extraordinaire ! Soudain, les bêtes bizarroïdes apparaissent, « waoh ! on est pas sur la Terre là ! ». Au début c’était un détail, pour situer l’univers, pour signifier qu’on habite sur une autre planète. Puis, en parlant aux gens lors des dédicaces, je me suis rendu compte qu'ils aimaient beaucoup les différentes créatures. J’ai mis par la suite beaucoup d’attention en créant ces bêtes, en les faisant bizarres, mais crédibles, plausibles. Les muscles, les mouvements, comment elles se comportent, fonctionnent, c’est venu petit à petit. Les gens demandent souvent d’où vient l’inspiration pour dessiner de telles créatures, mais c’est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Ça vient comme ça, des choses qu’on a vu, des insectes bizarres, des bouquins : j’ai beaucoup des livres de dinosaures parce ça me fascine… C’est déjà si étrange qu’il suffit de prendre un peu ici, un peu là et faire un truc énorme. Un homme avec une tête d’insectes tout de suite c’est « waoh ». Pour
Ium ium ium
Beltégeuse notamment, je voulais une créature intelligente, mais on ne sait pas si elle est aussi intelligente qu’un humain, si elle tient plus du dauphin, qui sont intelligents, mais pas humains. Je voulais une créature,  qui soit encore plus proche de nous : le Ium une créature sympathique et puissante en même temps. Un peu comme un panda : attachant mais gros et féroce. C’était vraiment créer une confusion avec les humains, qui ne savent pas comment réagir : une partie va les traiter comme des animaux, les autres vont reconnaître qu’ils sont intelligents. Ça crée une tension entre eux.

La bioéthique, le respect de la nature sont des sujets que vous abordez souvent. Est-ce que vous avez un rapport particulier à tout ça ? Y pensez-vous en écrivant ?

On peut en déduire ça, si on regarde l’album une fois terminé. On dit
Regarde maman, des canards !
surtout que c’est écologiste. Peut-être, mais au moment où je découvre et écris l’histoire, je ne pense pas à ça. Je pense à l’aventure, à mes personnages. Bien sûr, les bons personnages vont se comporter de la façon que je trouve la meilleure et les méchants de la mauvaise, par exemple lorsqu’ils tuent un Ium. Ça fait passer un message : je suis du côté des gens qui respectent les animaux, mais ce n’est pas ça qui a créé l’histoire. Ça c’est l’interprétation qu’en font les gens après coup.

Pour finir, quels sont vos projets, dans un futur proche ou lointain ?

J’en ai fait beaucoup et j’ai toujours beaucoup à faire. Déjà Aldébaran, Beltegeuse et Antarès, que je poursuis. Je suis en train de dessiner le cinquième tome, qui sera l’avant dernier de la série. A côté, je fais Les Survivants, deux tomes sont déjà sortis et je suis en train d’écrire le troisième tome. J’ai aussi écrit quelques scénarios pour un garçon qui s’appelle Franck Picard (alias Icar), pour une série, Terres lointaines, qui vient de s’achever, mais je viens de commencer avec lui une nouvelle histoire qui devrait paraître dans très peu de temps,  Ultime frontière. Toujours pour les scénarios, j’ai fait avec Rodolphe Namibia, la suite de Kenya, mais ce n’est plus moi qui dessine, je n’ai plus le temps et Rodolphe dessine très bien.


Un petit dernier pour la route !
Et avec une scénariste bruxelloise, Corine Jamar, on a écrit à deux le scénario de Mermaid Project, dessiné par un Breton, Fred Simon. L’histoire se passe dans le futur, c’est moins réaliste que ce que je fais d’habitude, plus science fiction, mais son dessin est aussi moderniste et créatif que minutieux. Ça fait trop de boulot tout ça ! Ah oui, et bientôt va sortir un album, plus fantastique que SF, que j’ai écrit il y a assez longtemps mais qui a été très long à dessiner : il fait 72 planches. C’est l’histoire d’un noble décadent du XIIème siècle, qui, en se promenant dans son jardin, va passer dans un autre univers, un monde futur, calme en apparence.  Ça devrait sortir au second semestre cette année.