7.5/10Vampyres : Sable noir vs. Batman : l’héritage de Dracula

/ Critique - écrit par riffhifi, le 31/10/2009
Notre verdict : 7.5/10 - Batman - 1994 - L'héritage de Dracula (Fiche technique)

Halloween aidant, le vampire revient faire un tour au rayon BD. Le Batman des années 90 est une exploitation de filon très graphique mais un peu longuette, tandis que l'anthologie proposée par Dupuis se divise en deux tomes de qualités inégales.

Increvable par nature, le vampire ressurgit régulièrement dans tous les arts et les médias. Pas étonnant qu'en cette période d'Halloween, la bande dessinée lui fasse Matteo
Matteo
une place au chaud - ou plutôt au frais, pour garder le sang buvable... Chez Panini, on découvre Batman : l'héritage de Dracula, traduction longtemps espérée de la suite du très bon Pluie de sang, déjà réédité l'an dernier ; le justicier de Gotham y affrontait le comte Dracula en personne, avant de succomber lui-même au vampirisme, devenant littéralement un homme chauve-souris. Chez Dupuis, on joue la carte de l'effort collectif, doublé d'une louable initiative de mariage des arts : Vampyres - Sable noir est un projet initié en 2006 qui consiste à donner carte blanche à quelques écrivains pour broder sur le thème « Dans le village de Sable Noir, la malédiction s'abat le 3 novembre... », en gardant en tête la notion de vampirisme ; à partir des nouvelles écrites, deux collections d'adaptations sont produites, une en téléfilms et une autre en bandes dessinées. Cette dernière fait l'objet de deux tomes d'environ 90 pages, contenant chacun trois histoires et emballés dans une superbe couverture signée Dave McKean (justement dessinateur d'un des plus célèbres albums de Batman :
Arkham Asylum). On est loin du travail proposé chez Dargaud avec les piètres Véritables légendes urbaines.

1994 : trois ans après Pluie de sang, le trio composé de Doug Moench (scénario), Kelley Jones (dessin) et Les Dorscheid (couleurs) se reforme pour prolonger l'histoire ; John Beatty remplace Malcolm Jones III à l'encrage. Le récit précédent Kelley Jones
Kelley Jones
bifurquait progressivement vers l'étrange et le hors-normes, mais on entre cette fois de plain-pied dans un univers parallèle, où les suceurs de sang sévissent massivement à Gotham City, traqués par un Batman qui se défend de succomber à ses propres instincts vampiriques. Dans cette réalité alternative, Selina Kyle se change en véritable chat-garou, accentuant s'il en était besoin la forte animalité ambiante. La violence est omniprésente : plantages de pieux, tranchages de têtes... L'album est aussi défoulant que désespéré, mais il y a un petit côté too much dans cette surenchère de tous les instants, à tel point qu'on se demande ce qu'il peut bien rester à raconter dans le troisième volet, Crimson Mist, paru en 1999. Inutile de dire qu'on attend malgré tout de le voir sortir chez Panini pour pouvoir le déguster à son tour. Curieusement, le dessin si caractéristique de Kelley Jones se fait moins extrême ici que dans Pluie de sang, comme s'il fallait compenser graphiquement les excès de folie du scénario.

Dans Vampyres : Sable noir, on observe une saine volonté de varier les plaisirs. Les six histoires sont de nature et de sujets très différents, rappelant ainsi qu'il existe mille et une façons de traiter le fantastique et l'horreur. Dans le premier tome, on trouve un épisode basé sur l'intrigue, un autre sur l'ambiance et un troisième sur les personnages. Dans le deuxième, on découvre une histoire de résurgence du Guillem March
Guillem March
passé, une romance moderne et une mise en abîme comique. A choisir, pas d'hésitation : le deuxième volume est à la fois plus prenant et plus surprenant que le premier, trop sage. La première histoire du premier tome, De sang frais (scénario de Denis-Pierre Filippi - Ethan Ringler, Les corsaires d'Alcibiade...), est de loin la plus convenue et la moins intéressante des six, tandis que la deuxième, La maison sur la colline (scénario de Sylvain Ricard - Les rêves de Milton, Guerres civiles...), frise le hors-sujet malgré sa beauté narrative et formelle ; la troisième, Alizarine (à nouveau Filippi au scénario), est une belle étude de caractère, avec un dessin très comic book de l'Américain Steve Lieber, mais débouche sur un final trop expédié pour être satisfaisant. En revanche, les trois intrigues développées dans le deuxième se valent sans peine, dans des registres très différents. Le duo Alcante-Matteo des Âmes meurtries privilégient le ressenti à travers un dessin envoûtant et un recours séduisant au flash-back médiéval, le deuxième épisode Dans la peau fait la part belle aux starlettes court vêtues dessinées par Guillem March, sans oublier pour autant de jouer sur le tableau horrifique, et le cocasse Le vrai du faux coécrit par Krassinsky suit l'enquête d'un écrivain en mal d'inspiration, soudainement plongé en plein bal de vampires...