Mélusine, Jeanne et Morue - c'est la journée de la femme chez Krinein
Bande Dessinée / Critique - écrit par plienard, le 06/05/2011 (Tags : melusine git clone hommes enfants mere actualites
En ce mois de mai, faisons un peu de place à la fraîcheur et l’élégance pour des albums avec des filles de chez Dupuis. Elles s’appellent Mélusine, Jeanne d’Arc ou encore Morue. Elles sont là pour vous faire rire, pleurer ou vivre des aventures historiques. Alors, allons-y pour une spéciale Héroïnes, mais n’en devenez pas accroc !
Une fois n’est pas coutume, et si on se racontait des histoires de filles, ou plutôt des histoires avec une fille comme héroïne. Mais vous recherchez quoi ? De l’humour avec la sorcière Mélusine, de l’historique avec Jeanne d’Arc ou un conte détourné avec une beauté nommée Morue ? Le choix est difficile car au final la qualité est au rendez-vous dans les trois albums.
Mélusine n°19 : L’élixir de jouvence
Pour ce dix-neuvième épisode des aventures de Mélusine, François Gilson et Clarke vont lui faire vivre une de ses plus belles histoires. Elle va vivre un conte éveillée, ou plutôt des contes… Et comme les contes, c’est pour les enfants, autant que notre héroïne à balai retombe en enfance. Et ça commence ainsi…
Il était une fois une sorcière, Mélusine, et son amie, Cancrelune, elles se promenaient dans les airs, enfourchant leur balai. Discutant de la rentrée prochaine, Cancrelune ne vit pas la tour qui se trouvait sur son passage. Pourvu d’une grande capacité d’inattention et de maladresse, celle-ci se fracasse au travers de la plus haute fenêtre de cette tour et réveille la princesse Pétale, endormie depuis quelques années. Vu son état de vieillesse avancée, il est clair que le prince (ou au pire un chevalier) qui aurait dû la réveiller, n’est pas venu. N’écoutant que sa gentillesse, Mélusine propose de préparer un élixir de jouvence. Mais c’est sans compter sur la fée Mélisande, aussi bête que jolie, Merlan l’enchanteur, sénile et endormi, et le prof de potion.
Voilà une des meilleures histoires que Gilson nous ait proposées pour la série Mélusine.
DR.L’humour, toujours aussi fidèle, mais surtout le sujet et l’enchainement des guests-stars des contes et légendes de notre enfance, empêche le lecteur de reprendre son souffle et surtout de s’endormir. Par ordre d’apparition, on aura : la vieille au bois dormant, merlan l’enchanteur, la maison de pain d’épice, Tom Pouce (et le pied de Cancrelune ?), l’âne d’or, un loup, le village des schtroumpfs, une nappe magique, les bottes de 7 lieues et un ogre, la maison des trois petits cochons, sept frères qui suivent une piste de cailloux blancs, une jeune femme avec un chaperon rouge sur la tête et qui va voir sa grand-mère, Raiponce en haut d’une tour, une fille qui perd sa pantoufle de vair, une belle et une bête, un autre enchanteur, blanche-neige qui squatte la maison de sept nains, et encore un peu d’autres…
Bourré d’humour, la quête de Mélusine, Cancrelune et Mélisande, perdues dans la forêt est une merveilleuse idée. Clarke s’en donne à cœur joie, avec ses dessins faussement imitables. On rigole et on prend du plaisir à chercher à retrouver les contes auxquels il est fait allusion.
Jeanne d'Arc, n°1 : L'épée
Jeanne a été mise au monde par une guérisseuse. Sorte de vieille sorcière que tout le monde craint, même le curé, Jeanne lui voue une confiance presqu’aveugle. Se proclamant sorcière, elle dispense à Jeanne, l’enseignement des rites pour les anciens dieux, dont le grand cornu. Sorte de garçon manqué, plus attirée par les filles que les garçons, Jeanne d’arc se convainc, peu à peu, de sa destinée hors norme.
Histoire d’une fille (et quelle fille !) écrite par des filles (et quelles filles !). Valérie Mangin (Le fléau des dieux, La guerre des dieux, Le dernier troyen...) est au scénario quand Jeanne Puchol (Assassins) est au dessin et Elvire de Cock (Tir Nan Og) à la couleur. Avec le brin de machisme qui me caractérise, je me demandais ce que cela pouvait bien donner. Depuis quand les filles font des bandes dessinées autrement que sur un blog ou par un roman graphique ? Le moins que l’on puisse dire c’est que le scepticisme est renforcé par cette couverture criarde, racoleuse, voire très moche. Mais cette mauvaise impression s’arrêtera là, car, à n’en pas douter, j’ai passé un bon moment de lecture.
Tout d’abord les auteures prennent le parti de faire de la célèbre pucelle, une sorcière.
Elle va attraper froid.Si cela peut paraître audacieux voir étrange, le tout est assez bien amené et construit pour ne pas crier au scandale. La cour du futur roi de France est d’ailleurs envahie de sorcières, symbolisées et identifiables par l’aura lumineuse qu’elles ont au-dessus de leur tête. Ce n’est pas super sexy, mais cela a le mérite d’être efficace pour la narration. Seconde étrangeté, cette volonté, assez marquée, de présenter l’héroïne comme ayant une préférence pour les femmes. Cela n’a, en soi, rien de dérangeant et donne au contraire un côté plus adulte et surtout plus réaliste et dur à l’album. Ces impressions sont d’ailleurs renforcées par le trait de Jeanne Puchol et les couleurs d’Elvire de Cock et dont le style n’est pas sans rappeler Juan Gimenez (La caste des méta-barons, Moi, Dragon).
Initialement, cette histoire devait rentrer dans la pseudo collection Dupuis consacrée au Sorcières. Mais finalement, cette Jeanne d’Arc sera prévue en deux tomes. Très intéressante, plus accès sur la sorcellerie et sa psychologie, elle n’a rien à envier à la Jeanne d’Arc de Luc Besson, et délaisse un peu les batailles qui sont ici traitées de façon plus ésotérique. On regrette déjà qu’il n’y ait que deux albums et on espère une couverture plus belle sur le second.
Beauté, n°1 : Désirs exaucés
« Il y aura des hommes blancs, il y aura des hommes noirs, il y aura des hommes grands, il y aura des hommes petits, il y aura des hommes beaux, il y aura des hommes moches, et pour eux ce ne sera pas facile. Et il y aura des hommes noirs, petits et moches et pour eux ce sera très dur » disait Coluche. C’est un peu ce qui arrive à Morue. Elle est moche, bête et sent mauvais, le poisson pour être précis. C’est d’ailleurs pour cela qu’on l’appelle ainsi. Et sa vie est un enfer. Raillée tout le temps et par tout le monde (sauf sa gentille mère et Pierre le fils de sa patronne), elle rêve de s’enfuir dans un autre royaume et y rencontrer un prince charmant. Pour l’heure, la mère de Pierre s’aperçoit de l’engouement de son fils pour ce laideron et l’envoie chercher de l’eau à la rivière avant de décider de son sort. Malheureuse, pleurant toutes les larmes de son corps, elle en verse quelques-unes par inadvertance sur un crapaud auprès duquel elle se confiait ce qui eut pour conséquence de délivrer la fée Mab du sortilège qui la retenait prisonnière. En récompense, elle permet à Morue de devenir belle aux yeux des autres. Mais est-ce réellement une récompense ?
Les auteurs de la série Miss pas touche nous proposent cette nouvelle série. Kerascoët dessinent ce conte imaginé et colorisé par Hubert.
Pauvre Cendrillon.Très caustique, ce conte a ceci d’original qu’il nous fait passer de la compassion à l’aversion pour le même personnage. Si au début, on se désole du traitement infligé à Morue parce qu’elle est moche, on l’apprécie moins quand elle devient cette jolie princesse (aux yeux des autres) mais terriblement capricieuse. Elle est pourtant à chaque fois une victime : de la méchanceté des hommes, de sa beauté, d’une fée, d’une princesse ou du désir des hommes.
Utilisant quelques codes des contes de notre enfance (un crapaud, une fée, des princes...), les auteurs prennent plaisirs à les retourner pour nous étonner et rafraîchir le genre. De conte pour enfants, on passe à un conte pour adultes (et enfants). Celui-ci vient après Cœur de glace et Jolies ténèbres et montrent, s’il en était besoin, que les contes à la façon Kerascoët sont à lire sans inquiétudes.
Trois femmes, trois de chez Dupuis et ce sera leur seul point commun. Car les trois héroïnes sont très largement différentes, ainsi que leurs aventures. Ah si, il y a un autre point commun, on risque de les retrouver prochainement dans la suite de leurs aventures. Et ça c'est une bonne nouvelle.