7/10Daredevil - 1993-1994 - L'homme sans peur

/ Critique - écrit par riffhifi, le 18/08/2008
Notre verdict : 7/10 - Au royaume des aveugles, les aveugles sont… euh… comme les autres (Fiche technique)

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Un « Daredevil begins » sous la houlette de Frank Miller et le crayon de John Romita Jr. Un mini-classique dont on peut toutefois se demander s'il se justifiait pleinement.

Dans sa première apparition en 1964, Daredevil voyait son origine résumée en à peine 10 pages, évoquant son enfance, l'accident qui le rendit aveugle et l'entraînement auquel il s'astreint pour devenir un super-héros malgré tout. Trente ans plus tard, après avoir marqué la série de son empreinte au cours d'un run mémorable de plusieurs années comme scénariste et dessinateur, Frank Miller décide de revenir sur la jeunesse du personnage. Accompagné d'un dessinateur de la trempe de John Romita Jr., on se doute que la mini-série The man without fear (5 numéros, plusieurs fois édités en album aux Etats-Unis comme en France) est une valeur sûre. Pourtant, on est en droit d'être un tantinet déçu par ce récit prévisible en forme d'enfonçage de porte ouverte. On se laissera cependant porter par la mise en images, et par l'introduction judicieuse (et réinventée) du personnage d'Elektra.

Matt Murdock, audacieux gamin d'un quartier pourri de New York (qui ne s'appelle pas Hell's Kitchen pour des clopinettes) est le fils de Battlin' Jack Murdock, dit ‘The
Devil'. Un diable en enfer, rien de plus naturel, mais celui-ci n'est pas un bourreau, il se contente de traîner sa carcasse de boxeur fatigué d'un combat à l'autre, jusqu'à ce qu'il soit contraint de bosser pour un gang local. Il parvient à préserver Matt de cette vie, jusqu'au jour où le jeune garçon est renversé par un camion de déchets radioactifs... Contrairement à Spider-man, il ne devient ni "L'homme-déchet" ni "L'homme-camion" (deux concepts à saisir, allez-y, c'est gratos), mais simplement un aveugle dont les quatre sens restants sont décuplés. Mais le chemin qui mène au costume rouge de Daredevil est encore loin... et puis d'ailleurs, comment saura-t-il qu'il est rouge et pas vert bouteille ou bleu des mers du sud ?

Graphiquement, on voit mal ce qu'on pourrait reprocher à John Romita Jr. : que ce soit dans sa peinture des rues de Hell's Kitchen, dans ses gros plans sobres mais justes, ou dans ses choix de fines hachures lors des scènes nocturnes, il parvient toujours à saisir l'essentiel avec dynamisme et clarté. D'aucuns diront qu'il a de qui tenir, son papa ayant lui-même oeuvré avec succès sur Daredevil dans les années 70. On ajoutera qu'il parvient à faire oublier sans peine l'absence quasi-totale du héros en costume, misant sur une esthétique plus proche du film noir. Si le racolage pointe ici le bout de son nez lors des apparitions d'Elektra, qui n'aime rien tant que se battre en sous-vêtements, on notera que l'égalité des sexes pousse Romita à copieusement exhiber le corps musculeux de Matt Murdock. Tous deux se
complètent harmonieusement, et leur relation maudite est d'autant plus rageante qu'elle est furieusement sensuelle.

Si faiblesse il y a dans ce récit, c'est plutôt du côté du scénario, que Frank Miller limite essentiellement au minimum syndical. Les rares ajouts qu'il ménage à l'histoire d'origine ne sont d'ailleurs pas forcément de bonnes idées : on se serait ainsi volontiers passé du personnage de Stick, entraîneur mystérieux dont la présence contribue à dévaluer le travail et le courage de Matt. Mais on lui accordera une reconstruction efficace de la première apparition d'Elektra, qu'il est le mieux placé pour animer puisqu'elle est sa créature. Présentée comme une tigresse insaisissable, séduisante mais animée de pulsions morbides, elle s'impose rapidement comme l'amour impossible de Matt Murdock. Le Caïd, en revanche, n'a droit qu'à une introduction en deux pages, sauvée par une imagerie parfaite et une sous-intrigue amusante qui trahit l'amertume de Frank Miller envers Hollywood à cette époque (il vient de vivre une expérience particulièrement déplaisante avec le charcutage de son scénario pour RoboCop 3).

Si Miller et Romita Jr. sont peut-être passés à côté d'un album légendaire, L'homme sans peur reste un bon pilier de bibliothèque, d'autant que la récente édition de Panini est actuellement disponible à moins de 10 euros chez les libraires compétents...


Daredevil: The man without fear #1 (octobre 1993)
Daredevil: The man without fear #2 (novembre 1993)
Daredevil: The man without fear #3 (décembre 1993)
Daredevil: The man without fear #4 (janvier 1994)
Daredevil: The man without fear #5 (février 1994)