Les Cœurs boudinés - Tome 2 - Trois récits croustillants de femmes (et d'homme) à savourer
Bande Dessinée / Critique - écrit par iscarioth, le 24/08/2006 (En plus de ses talents déjà dévoilés pour croquer les grands types humains et les situations cocasses, l'auteur se montre plus psychologique, son deuxième album révélant plus d'enjeux. Peut-être bien la prochaine référence des genres intimiste et quotidien...
Les coeurs boudinés nous reviennent ! Et en grande forme. On se demandait, l'an dernier, avec la sortie du premier tome, comment Jean-Paul Krassinsky allait s'y prendre pour convaincre avec un second album. L'ennui avec les petits récits articulés autour d'un thème fédérateur, c'est que les choses ont tendance à être redites, et que les idées s'épuisent aussi rapidement que la passion du lecteur. Chose rare, l'écueil est brillamment esquivé avec ce deuxième opus des Coeurs boudinés. Krassinsky, en poursuivant toujours sur le même thème, nous donne l'agréable impression d'évoluer et de ne jamais rabâcher.
Première constatation : les histoires sont moins nombreuses, mais plus riches. Le premier tome des Coeurs boudinés nous présentait cinq histoires, le second trois. Toujours dans le même esprit, Krassinsky pointe du doigt l'horrible conduite de la gente masculine vis-à-vis des femmes rondes. Mais les enjeux prennent en consistance. Avec le premier tome, on ne faisait qu'observer la conduite soit impertinente, soit timorée ou hésitante de quelques femmes bien en chair. Avec le tome deux, on va plus loin dans l'introspection. Krassinsky insiste moins sur le fait que les femmes rondes sont la cible des fins de soirée, des hommes qui les utilisent à défaut de trouver mieux. Pour ce nouvel album, on entend moins parler de rondeurs, c'est plus le comportement masculin de manière générale qui est évoqué, et des questions sont soulevées quant à l'espoir amoureux et les choix de vie. Au final, on ressent plus les Coeurs boudinés comme un regard sur les relations homme/femme que sur l'opposition homme/femme ronde. La troisième histoire est à ce niveau très symbolique. Plus développée que les deux autres récits, presque introductifs, l'histoire de Mimi, alias Myriam ou Murielle, est celle qui épate le plus par sa consistance scénaristique et la portée de son discours. Myriam, lassée des déceptions amoureuses, s'offre un chien farouche, qu'elle prend plaisir à voir dévorer les mollets de chacun de ses prétendants.
A l'image d'un Grégory Mardon, d'un Cyril Pedrosa ou d'un Riad Sattouf, Jean-Paul Krassinsky possède un indéniable et irrésistible talent pour croquer les différents genres humains, dans leur gestuelle, mimique, comportement et façon de parler. On retrouve sur cette troisième histoire le commercial BCBG, l'adolescent boutonneux et fatigué et le vieil aristo démangé par son célibat. Rajoutez à ce don de la caricature un autre talent pour créer des situations cocasses, et les effets comiques sont assurés, imparables. Petit reproche, car il en faut bien un, on regrette un peu que si la vie et les sentiments des femmes que Krassinski décrit soient bien explorés, l'intérieur des hommes que l'on rencontre n'est que frôlé. A en croire la conclusion du dernier récit, il y a deux types d'hommes : les gentils, dignes de confiance, et les désespérés-obsédés, à fuir ou dont on doit se moquer. Même si, dans son épilogue, Krassinsky se montre assez optimiste et tendre avec la figure du vieux veuf, on regrettera qu'il n'ait pour l'instant pas posé son regard sur les tourments et frustrations des hommes qu'il met en scène, qui ne sont pas à diaboliser. Voilà pourquoi l'on espère que l'évolution amorcée se poursuivra. De cinq histoires, on passe à trois, et de trois, on passera peut être à une seule ?
Avec ce deuxième tome des Coeurs boudinés, Krassinsky nous passionne encore un peu plus. En plus de ses talents déjà dévoilés pour croquer les grands types humains et les situations cocasses, l'auteur se montre plus psychologique, son deuxième album révélant plus d'enjeux. Peut-être bien la prochaine référence des genres intimiste et quotidien...