Retour au collège
Bande Dessinée / Critique - écrit par iscarioth, le 04/09/2005 (Tags : retour theatre paris college sattouf riad ados
L'auteur
Riad Sattouf est un jeune dessinateur BD de 27 ans. Avec seulement quelques albums parus, il s'est déjà fait remarquer comme un auteur particulièrement acerbe. Avec Les Pauvres Aventures de Jérémie, publiées dans la collection Poisson Pilote de chez Dargaud, il s'engouffre dans le genre quotidien avec énormément de piquant. Il ose porter un regard sur la société avec un humour qui déplait beaucoup aux adeptes du consensualisme et du politiquement correct (son héros visite des sites X, s'interroge sur la démarche des « racailles des cités »...). Avec non moins d'esprit critique, Sattouf a aussi investi la collection Bréal Jeunesse, aux côtés de Sfar et de Trondheim, avec les ouvrages Manuel du puceau et Ma circoncision (ce dernier ayant été fauché par la censure).
Come back to school
Avec Retour au collège, Riad Sattouf a eu une grande idée de BD-reportage : investir une classe de troisième dans un collège huppé de Paris. Se présentant comme un écrivain artiste-peintre (ça fait toujours mieux que dessinateur BD !) envoyé par le ministère de l'éducation nationale, Sattouf arrive à rejoindre pour quinze jours une classe de troisième au tempérament explosif. Avec ce séjour, il poursuit ses vieux démons, issus de la pire période de la jeunesse : la préadolescence. « Les noms et physionomies des personnages ont été modifiés. Par contre, les situations et les propos rapportés sont absolument véridiques », peut-on lire dans les premières pages de l'ouvrage. Vu la façon dont Sattouf a croqué les différents profils de la classe, les élèves de troisième C, malgré les changements de prénom et de physionomie, n'auront sans doute aucun mal à se reconnaître.
Autobiographique et observateur
Après une petite mise en bouche sur la genèse du projet, on s'immerge dans l'univers de la troisième C. Une immersion ponctuée de petites anecdotes ou récits tirés de la jeunesse de Sattouf, qui se situe, sur l'échelle hiérarchique du collège, tout en bas, dans « le club des pédés », le repère des blaireaux. Un ouvrage de reportage, donc, mais qui permet à l'auteur de revivre, de se remémorer et finalement d'exorciser ses années collège. Retour au collège est une véritable réussite : l'album reflète très bien ce que peut être l'ambiance d'une classe de troisième, quelle qu'elle soit. Seule la violence n'est pas vraiment représentée car peut-être plus prononcée dans les « ZEP » que dans les « Charles-Henri » et autres « Hubert-Edouard ». On retrouve ce qui a fait et fera toujours les années collège : l'échelle hiérarchique installée tacitement mais sûrement, les différents groupes et types de collégien, les codes vestimentaires intransigeants, la découverte de l'attirance sexuelle, les jeux de domination et de popularité, la discrimination et le racisme ordinaire... Mais même si l'on lit la désapprobation à certain moment sur le visage de Sattouf se mettant en scène dans sa bande dessinée, on ne décèle pas chez lui de message moralisateur ou agressif. Bien au contraire, à plusieurs moments dans son ouvrage, Sattouf effectue des retours en arrière et souligne par des parallèles que les choses ne changent pas et que la préadolescence reste ce qu'elle a toujours été, et ce à travers chaque génération...
Retour au collège est autobiographique, car Sattouf nous y raconte par flash back sa préadolescence. Mais c'est aussi une BD reportage qui plaira pour sa justesse à tous les adultes marqués par leurs années collège... Pour finir, on citera Truffaut, dans l'une de ses tirades sur l'enfance : « L'adolescence ne laisse un bon souvenir qu'aux adultes ayant mauvaise mémoire ».