7.5/10Yoko Tsuno - Tomes 16, 22 et 23

/ Critique - écrit par riffhifi, le 11/04/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Yoko aime chiner (Fiche technique)

Tags : yoko tsuno tome leloup roger dupuis dragon

Yoko profite de ses origines partiellement chinoises pour faire du tourisme à haut risque entre les mythes et le temps. Trois tomes agréables, sans être les meilleurs de la série.

Nouveau chapitre de l'intégrale de Yoko Tsuno, Sous le ciel de Chine regroupe trois des aventures les plus tardives de l'héroïne. Forcément plus terre à terre que
ses exploits spatiaux, deux sur trois recyclent simplement l'usage du translateur afin de faire voyager la bande à Yoko à travers le temps. Le procédé est un peu poussif, il faut l'avouer, mais le soin apporté au dessin et à la narration restent d'une telle qualité à travers l'ensemble de la série qu'il est difficile de faire la fine bouche. De plus, les amateurs de culture chinoise seront aux anges devant la richesse des cases amoureusement fignolées par Roger Leloup.

Les bonus de l'édition intégrale proposent par ailleurs un comparatif passionnant entre les photos ayant servi de support au dessinateur et les images finales, ainsi qu'un compte-rendu de ses voyages en Chine et un arbre généalogique de Yoko. Que demande le peuple ?

Le dragon de Hong Kong (1986)

Et après, on dit qu'il n'y a pas de crocodile dans les égouts...
Et après, on dit qu'il n'y a pas
de crocodile dans les égouts...
Nous sommes dans les années 80, la bande dessinée existe depuis quinze ans. Yoko la Japonaise, pour les besoins de cette nouvelle aventure, sort du placard une grand-mère chinoise qui justifie son voyage à Hong Kong en quête de certaines racines. En fait de racines, Yoko y trouve deux choses : un dragon tapi dans la baie de Hong Kong, et surtout une petite fille qu'elle adoptera. Appelée Rosée du Matin (un joli nom par ailleurs), la gamine est une projection de la propre fille adoptive coréenne de Leloup, appelée Annick. Elle restera dans la série, fournissant l'élément enfantin indispensable apporté précédemment, dans l'exemple des aventures vinéennes, par la petite Poky.
L'histoire elle-même a un petit air de Kaiju Eiga (les films de monstres japonais) : un comble puisqu'il s'agit d'une histoire exclusivement chinoise, faisant appel aux mythes des dragons anciens. Le scénario est un peu faible, et on ne reviendra pas sur l'utilité toute relative des personnages de Vic et Pol, clairement touristes dans les aventures de leur amie. L'intérêt de ce premier album chinois, réellement agréable à lire et à vivre, réside en partie dans les graphismes léchés, colorisés avec goût sur les instructions de Leloup (voir ce magnifique duel crépusculaire des planches 40 à 43), et en partie dans les rapports émouvants tissés entre Yoko, la petite Rosée du Matin et le grand-père de cette dernière. C'est avec la larme à l'œil qu'on se tourne vers la deuxième histoire...

La jonque céleste (1998)

Procession d'actifs
Procession d'actifs
Antépénultième (mais si, vous connaissez ce mot qu'un prof de français vous a obligé à ingurgiter) album de Yoko Tsuno, La Jonque céleste est le plus réussi des trois présentés ici. Plus complexe que Le dragon de Hong Kong, il montre Yoko partir au Xième siècle pour tenter de sauver d'un assassinat la jeune épouse (six ans, on peut dire que c'est jeune) d'un roi plus âgé. Autres temps, autres mœurs, la fillette fait couper la tête à tous ceux qui l'incommodent, sans réaliser qu'elle est manipulée et menacée par un vilain pas beau que Yoko et ses amis sauront démasquer.
Mystère et exotisme historique parcourent cette intrigue qui, il faut bien l'admettre, met trop de temps à démarrer. L'expédition n'embarque pour le passé qu'à la moitié de l'album, après avoir déterré l'histoire de la princesse et tergiversé pendant de trop nombreuses pages sur l'utilité du saut temporel. Mais la première partie maintient l'intérêt par son exposition progressive des faits et ses quelques jolis paysages, avant de laisser place à la somptueuse deuxième partie en plein Chine Antique. Vic et Pol y sont presque utiles, et le deuxième présente au moins l'avantage d'être accompagné de et occupé par sa copine Mieke, elle aussi transfuge d'une autre époque lointaine.
Arrivé en 1998, plus de 25 ans après le début de la série, on reste coi devant la cohérence visuelle de l'ensemble, et la force intacte des dessins de Leloup. Cohérence et non stagnation, car Yoko Tsuno est sans âge, hors des modes et des courants. Et La jonque céleste rappelle qu'elle peut faire le bien au XIème siècle comme au XXIème.

La pagode des brumes (2001)

Pagode save the queen
Pagode save the queen
Situé dans la continuité de La jonque céleste, La pagode des brumes est l'avant-dernier album de Yoko, qui ne connaîtra plus que le Septième code en 2005 avant d'entamer son édition en intégrale, qui scelle la série. L'argument ici est terriblement faible : sur un caprice de Sin-Yi, Yoko, Mei-Li et les autres retournent au Xième siècle au milieu de la nuit, leur pyjama à peine troqué contre un habit plus conventionnel. Le bon côté d'un départ aussi précipité est l'absence complète de Vic et Pol. Le mauvais, c'est bien sûr la désagréable impression pour le lecteur d'être pris pour une buse : si Leloup voulait faire un diptyque sur cette période, pourquoi n'y a-t-il pas laissé ses héros à la fin du tome 22 ? Et s'il n'avait pas prévu cette prolongation (le plus probable), il aurait pu faire l'effort de partir dans une nouvelle direction plutôt que de miser sur le même univers visuel (il lui restait sans doute des images de l'époque qu'il ne savait pas comment recaser autrement).
41 pages de visite du passé, contre 20 seulement dans La jonque céleste, et pourtant le récit fonctionne moins bien... Restent de très jolis décors, et quelques scènes d'action suffisamment ludiques pour maintenir en éveil. Mais la redite est trop lourdaude pour qu'on puisse la juger indispensable.


Du Hong Kong des années 80 à l'exploration de la Chine d'il y a dix siècles, Yoko Tsuno reste une série fraîche et soignée jusque dans ses derniers albums. Vivement les trois tomes restants de l'intégrale...