Les Voyages de Jhen - Tome 6 - Strasbourg
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 19/04/2008 (Outil pédagogique destiné aux marmots d'il y a quarante ans, ce type d'album est une incongruité complète dans le paysage actuel. Nul doute cependant que certains grands-parents se feront une joie de l'offrir à leurs petits-enfants dépités.
Jacques Martin, vous l'avez forcément croisé sur les rayons de la bibliothèque municipale de votre jeunesse, voire même (bande de veinards) dans le coin lecture de la maison paroissiale. On le connaît principalement pour les aventures d'Alix le Gaulois/aventurier (26 tomes à ce jour), mais il est également le papa de Lefranc le reporteur/aventurier, Loïs le peintre/aventurier du XVIIème siècle et Jhen le sculpteur/architecte/aventurier moyenâgeux. Les héros de Martin sont pour la plupart jeunes, blonds et asexués et vivent des aventures profondément ancrées dans leur contexte historique. En parallèle des albums réguliers, sur lesquels il ne fournit plus qu'un travail général en laissant ses poulains s'occuper du scénario et des dessins (il fête cette année ses 87 ans), il propose des collections intitulées « Les voyages de », qui proposent aux bambins des cours d'histoire et/ou de géographie liés à l'époque du personnage. Ainsi, Alix sert d'argument à une série d'albums sur la Grèce, les Vikings ou encore les Incas, tandis que Lefranc est le prétexte à une trilogie de livres consacrés à l'aviation. Et Jhen dans tout ça ? Jhen prête son visage aux albums qui traitent de l'histoire de certains coins d'Europe (généralement de France) entre les ans 1000 et 1500. C'est pointu. Après Paris, Venise, Carcassonne, les Baux de Provence et le Haut-Kœnigsbourg, voici Strasbourg.
Le rapport entre le héros et le contenu, contrairement à ce que le titre et le format pourraient faire croire, est quasi-nul. Sorti de sa bouille sur la couverture, on ne le croisera nulle part dans l'ouvrage, qui est plus un manuel scolaire qu'une bande
Et si vous alliez à Strasbourg, plutôt ?dessinée. Il est introduit par un texte de Jacques Martin épouvantablement mal écrit (c'est triste à dire) qui annonce entre deux fautes d'orthographe qu'il n'est pas l'auteur du livre mais qu'il y colle son nom pour le principe ; dommage quand on apprend qu'il est né à Strasbourg et que cette ville reste associée pour lui à divers souvenirs d'enfant. On aurait apprécié une approche de la ville un tantinet personnelle, mais là n'est visiblement pas le sujet : exposé ultra-didactique des origines de la ville et des évènements majeurs qui la traversèrent de 982 à 1514, l'album ne s'embarrasse ni d'introduction ni de conclusion, ne propose aucune anecdote croustillante et se contente de lister les faits sans humour, sans entrain, sans ambition autre que d'informer.
On rétorquera qu'il s'agit d'un livre pédagogique, que les illustrations de Muriel Chacon, à défaut d'avoir le moindre relief, sont historiquement rigoureuses, et que les documents d'époque présentés sont (presque) intéressants. Mais sérieusement, à l'heure de Wikipedia, un tel album, superficiel et beaucoup trop ciblé, représente la subsistance inutile d'un passé oubliable. On se consolera avec la liste des punitions et tortures pratiquées au Moyen-âge, rigolote malgré elle : maisonnette de correction, panier de la honte, supplice des verges, huile bouillante, supplice du feu, etc. Une liste qu'on trouve sûrement sur Wikipedia, d'ailleurs.