Split Check - Vol. 1 - A couteaux tirés

Le monde très à part de la restauration n’en finit pas de fasciner. Il n’y a qu’à voir le succès de la série The Bear portée par Jeremy Allen White ou des films aussi variés que Les saveurs du Palais, Le menu ou encore Le Sens de la fête. En littérature on pourrait citer l’excellent roman de Stéphane Larue, Le plongeur ou encore Alcools de Poppy Z. Brite. La liste est infinie notamment en bandes dessinées, Aurelia Aurita s’y est plongée dans Comme un chef ou La vie gourmande, Jirô Taniguchi avec Le gourmet solitaire ou encore Guillaume Long avec sa série, A boire et à manger. La liste n’en finit pas mais tous présentent cette dualité quasi schizophrénique liée à l’art de la table. D’un côté une douceur des sens, un ravissement du palais et une douceur de vivre empreinte de sensualité pour ceux qui dégustent, de l’autre côté, de celui de ceux qui préparent, une tempête, des cadences infernales, une tension de chaque instant et des services desquels on ressort exsangue. Split Check repose aussi sur cette ambivalence mettant en avant la réalité du métier à travers deux personnages au caractère bien trempé.

Première rencontre

Nous suivons d’abord Nic, chef dans un restaurant branché new-yorkais, Lapin & loup, avec tout ce que cela comporte de stress et d’exigence. Heureusement, après le service, il peut retrouver Tristan et se perdre dans ses bras, même si la situation entre eux est loin d’être claire. Mais Tristan, en critique culinaire acerbe ne va pas se priver de sortir un papier sur son amant débinant sa cuisine « oubliable » et « sans saveur ». Blessé et saturé de cette vie à New York, il décide de partir à Detroit rencontrer Jaime Velasquez, neveu prometteur d’une grande famille de chefs, qui a décidé de se lancer à son compte. Une semaine plus tard, Nic débarque dans cette ville inconnue et se lance sur Grindr pour ne pas passer sa soirée seul. Il rencontre ainsi un beau brun très direct dans un bar et ils arrivent très vite dans les toilettes pour mieux se connaitre avant d’aller chez lui. Hasard scénaristique, c’est bien Jaime qu’il a rencontré la veille et cela perturbe un peu l’entretien d’embauche même si celui-ci abouti. Les deux compères vont malgré tout trouver un accord tant relationnel que professionnel et ce, nonobstant la mauvaise surprise du concept pour Nic, ce sera un restaurant de sandwichs hauts de gamme.
Engagé

Ce premier tome permet surtout de présenter les deux personnages principaux et de caler un cadre et une relation à la fois compliquée et évidente. Nonobstant des passages un peu étrange tel le fantasme de Jaime où il imagine Nic en créature des bois bien membré sorti de l’univers malade du film Cats, l’essentiel de l’album est très réaliste. On ressent parfaitement l’univers de la cuisine avec ses enjeux et ses difficultés. Ce qu’il en ressort également c’est une tension de chaque instant et un professionnalisme de passionné, même pour des questions aussi simples et anodines en apparence que la fabrication d’un sandwich. Une tension d’ailleurs qui se retrouve entre les deux chefs pour des questions d’ego permanentes. Mais cette pression est vite relâchée dans les moments d’intimité qui restent le cœur de l’ouvrage. L’histoire sexuelle et passionnée entre Nic et Jaime sera sans doute le nœud de l’intrigue dans les tomes à suivre avec tout ce que cela peut comporter de difficultés, de brouilles et d’amour.

Fantasme sauvage

Split Check est également remarquable dans le traitement de la question du genre. Tout simplement en n’en faisant pas un sujet. Du coup on ne développera pas ici non plus, et les lecteurs découvriront par eux même ce qu’il en est. Mais il est appréciable de mettre en scène des personnages qui ont juste de belles histoires en étant ce qu’ils sont.

Très agréable à lire, ce deuxième ouvrage de la collection Kinky après The Rock Cocks, s’avère prometteur grâce à son traitement finesse des relations humaines et sa capacité à mettre en avant les réalités du monde de la restauration.