8.5/10Les Portraits héroïques

/ Critique - écrit par riffhifi, le 21/12/2008
Notre verdict : 8.5/10 - Très portrait (Fiche technique)

Frank Pé propose une splendide galerie de portraits commentée par une brochette de personnalités hétéroclites. On en voudrait plus, mais la perspective d'un second tome n'est jamais à écarter.

Le dessinateur Frank Pé, désigné par le simple nom de Frank, a livré l'an dernier le troisième et dernier tome de Zoo, scénarisé par Philippe Bonifay. Tandis que l'ensemble est réédité en intégrale, il livre un recueil inattendu, composé d'une vingtaine de portraits commentés par différentes personnalités artistiques, littéraires ou politiques.

L'album évite élégamment plusieurs écueils. Ainsi, on pourrait s'attendre à ce que seuls des héros du catalogue Dupuis soient recensés, mais il n'en est rien : sept appartiennent à des séries de Dargaud, trois à Casterman, deux au Lombard, deux Champagne ? Hic !
Champagne ? Hic !
à Glénat... et sept sont effectivement des résidents de Dupuis. Parmi ces derniers, pas moins cinq proviennent de l'univers de Spirou et Fantasio : le comte de Champignac, le Marsupilami, Seccotine, Kilikil et Spip ! Spirou lui-même, mis à l'honneur cette année pour cause de 70ème anniversaire, n'apparaît que sur la couverture, et n'a droit au laïus d'un fan. C'est là le deuxième courage de cette galerie de portraits : les personnages choisis représentent un échantillonnage hétéroclites de héros et de seconds couteaux. Lucky Luke est présent himself, mais Gaston s'éclipse pour laisser la place à Monsieur De Mesmaeker ; Astérix et Obélix, avec la galanterie toute gauloise qui les caractérise, s'en vont cueillir des sangliers pour offrir Falbala aux yeux des lecteurs... Chaque portrait est amoureusement fignolé par Frank Pé, sans chercher à reproduire le style du dessinateur d'origine mais en représentant l'essence du personnage, en l'imaginant en train de poser pour la postérité. La plupart nous regardent dans les yeux, et quasiment tous sont accompagnés d'un chat (ou d'un félin) inséré plus ou moins discrètement ; bien entendu, Blacksad n'a pas besoin d'une telle compagnie, il se suffit à lui-même...

Les commentaires qui tiennent compagnie aux portraits sont d'intérêt forcément variable. On y trouve à chaque fois : une présentation du personnage pour les lecteurs qui manqueraient de repères, une présentation élogieuse de la vedette qui va s'exprimer, et un texte écrit par ladite vedette. Celle-ci peut être politique, comme le Maire de Paris Bertand Delanoë (qui préfère Alix Yin-Fu à l'Alix de Jacques Martin, contre toute attente des plaisantins) ou l'ancien Président de la République Jacques Chirac (qui aime Corto Maltese mais signe le texte le plus court de l'album). Elle peut être littéraire, comme les auteurs à succès Marc Levy et Eric-Emmanuel Schmitt. Et elle peut être un acteur ou une actrice, généralement choisi pour avoir incarné le personnage en question à l'écran : Antoine De Caunes commente Lucky Luke (il a été sa voix dans la série de dessins animés de 2000), Laetitia Casta parle de Falbala (et de la difficulté de jouer un stéréotype), et Vincent Cassel évoque Blueberry (et sa complexité impossible à retransmettre à l'écran selon lui). Plusieurs noms initialement annoncés se révèlent mystérieusement absents : Michel Drucker, Jean-Pierre Coffe ou, plus intéressant, Hubert Reeves n'apparaissent finalement pas dans la liste des commentateurs. Peut-être dans un prochain recueil ? On le souhaite, car s'il y a un reproche à faire à ces Portraits héroïques, c'est bien leur nombre trop faible. On en voulait cent, deux cents ! Quitte à enlever les élégies un peu creuses de certains intervenants moins intéressants que d'autre (Jerry Seinfeld confesse qu'il a « du mal à lire les BD européennes », et qu'il ne parle du Marsupilami et de Spip qu'en se basant sur le dessin animé...).