10/10Maus

/ Critique - écrit par Maixent, le 26/03/2008
Notre verdict : 10/10 - Maus Art (Fiche technique)

Tags : maus spiegelman art vladek code histoire souris

Au-delà de l'Histoire, témoignage sur l'horreur du régime Nazi. Un classique incontournable signé Art Spiegelman.

Il est quasiment impossible de réaliser une critique de Maus, on ne peut que se borner à essayer de ressentir la puissance d’un récit d’une telle densité, chaque planche pouvant fait l’objet d’une étude poussée. Il ne s’agira donc ici que d’une fiche pouvant donner quelques pistes de lecture.

Art Spiegelman n’est pas un auteur de bandes dessinées, c’est un artiste contemporain. Pour lui la bande dessinée est un média qu’il faut sans cesse renouveler, un matériel que l’on doit façonner pour le faire rentrer dans des cases. Le travail de Spiegelman est avant tout une recherche intellectuelle, il cherche à transcender le réel. D’un objet à deux dimensions qu’est la planche, il parvient à offrir des dimensions insoupçonnées. Méticuleux au point de confiner à la pathologie, chaque élément du dessin est retravaillé et pensé avec une minutie sans pareil, ce qui donnera son travail le plus abouti, Maus.
A noter qu’il est l’un des papes de la bande dessinée underground au même titre que Robert Crumb, notamment à travers la publication de divers revues comme Raw et qu’il est aussi connu, même si cela peut paraître surprenant, pour avoir réalisé un grand nombre de dessins pour les vignettes autocollantes, Les Crados.

Maus est une œuvre magistrale, témoignage bouleversant sur la condition des Juifs sous le régime nazi à travers l’histoire du père d’Art Spiegelman. Pour illustrer son propos, il a eu recours au zoomorphisme, forme à la fois infantilisée, mais aussi métaphorique d’une situation tellement horrible qu’elle est difficilement représentable. Les Juifs sont des souris, poursuivies par des chats à la mine austère portant uniformes.

L'auteur face à l'Histoire
L'auteur face à l'Histoire
Le lecteur est entraîné sur les traces de Vladek et Anja, les parents d’Art Spiegelman. Jeunes mariés en Pologne dans les années 30, ils voient petit à petit la vague nazie déferler sur le pays et les juifs de plus en plus persécutés. Enfermés dans des ghettos avec leurs familles, ils tentent de s’organiser et de survivre, allant de petits métiers en petits métiers, l’étau nazi se resserrant chaque jour un peu plus jusqu’à la déportation à Auschwitz.

Ce qui donne d’autant plus de force à l’ouvrage, c’est la modestie de l’auteur. Il ne cherche pas à être le porte-parole des Juifs polonais, ni à faire un travail d’historien. Il veut avant tout comprendre son père qui vit maintenant dans une typique banlieue américaine. Découle donc un questionnement sur la transmission, au-delà du devoir de mémoire. Comment comprendre cet homme, à la limite de la caricature du vieux Juif radin, maniaque et raciste quand on sait l’horreur des camps ? Art cherche à se comprendre lui-même, quête universelle, à 4ème de couverture
4ème de couverture
travers l’histoire de son père et son héritage, d’autant plus que sa mère s’est suicidée quand il avait vingt ans, ce que l’on apprend au cours du récit. C’est un récit intimiste pris dans le tourbillon de l’histoire de l’humanité. Quelques planches, d’ailleurs, montrent le questionnement de l’auteur, modeste humain, face à l’Histoire qui le dépasse. Art Spiegelman n’affirme rien. Bien au contraire, il doute en permanence, que ce soit de la légitimité de son travail ou de la réalité des faits, d’où une documentation considérable et un remarquable souci du détail qui fait de Maus le meilleur manuel d’histoire involontaire sur la Seconde Guerre Mondiale.

Prix Pulitzer en 1992 et Alph’art de l’album étranger en 1993, Maus a été consacré par le public, conduisant son auteur au rang de référence pour toute une génération. Vous vous êtes sûrement demandé un jour quel livre vous emmèneriez sur une île déserte, s’il s’agit d’une bande dessinée, cela ne peut être que Maus.