5.5/10La Geste des Chevaliers Dragons - Hors série - Chevaliers Dragons

/ Critique - écrit par Islara, le 17/02/2007
Notre verdict : 5.5/10 - Courez après deux lapins et... (Fiche technique)

Amis lecteurs, ne voyez en Chevaliers Dragons qu'un exercice de style né de la rencontre entre deux univers aux antipodes l'un de l'autre.

ANGE, fidèle à ce qu'il a instauré comme un principe, celui de changer de dessinateur à chaque tome de La Geste des Chevaliers Dragons qu'il crée (sauf au tome 4), ne fait pas exception à la règle pour ce hors-série, qu'il présente comme une "variation sur l'univers de la Geste".

La première particularité de cet album, que l'on salue avec un certain respect, est la coopération entre un scénariste français et un dessinateur coréen très reconnu, Dohae (dont le nom a été phonétiquement francisé en "Dohé"). Ce n'est pas une première chez Soleil mais c'est une expérience encore trop rare pour ne pas la remarquer et s'en réjouir. Tous ceux qui s'interrogent sur l'opportunité et la légitimité de la distinction entre manga, manwha et BD, distinction purement géographique qui n'existe dans aucun autre art, voient avec plaisir les barrières s'estomper.

De ce fait, l'on regrette d'autant plus que cet album soit le moins réussi de la série.

La Geste n'a jamais brillé par l'étoffe de ses scénarios. La relative simplicité des histoires, sans doute volontaire, était compensée par les directions imprévisibles des évènements relatés, la multiplicité des personnages, l'apport de nouveaux éléments sur l'univers, et par la mise en évidence, dans chaque tome, d'un ou plusieurs thèmes forts et du traitement réaliste qui en était fait, laissant souvent un goût amer, mais intense, au lecteur.

Or, dans Chevaliers Dragons, on ne ressent pas cette intensité. Malgré sa présentation sous forme de journal, l'histoire se traîne en longueur, ne comporte que deux personnages principaux, est éminemment prévisible, n'apporte rien de nouveau et s'avère, au final, la moins étoffée, la moins prenante et la plus simpliste de toutes. Sachant de quoi Ange est en temps normal capable, l'on ne peut que s'étonner et s'évertuer à chercher une explication.


Et à la réflexion, l'explication est peut-être celle-ci : l'objectif avoué de cette coopération franco-coréenne étant que tout lecteur, coréen ou franco-belge, puisse y trouver son compte, l'exposé d'une histoire des plus simples s'avérait nécessaire, car la présentation d'un thème ou d'une valeur à l'occidental n'aurait certainement pas été comprise par une société aussi différente de la nôtre que la société coréenne, laquelle n'a de plus pas connaissance des autres tomes de la série.

L'exercice relevait presque du défi et le résultat n'est pas mauvais. Mais, pour un lecteur assidu de la Geste, il sonne trop creux et malgré l'excuse qu'on peut lui trouver, on reste un peu déçu.


En revanche, graphiquement, au bout de quelques pages l'on saisit immédiatement pourquoi Dohae est considéré comme une super star du manwha en Corée. Les détails très soignés, la grande esthétique des personnages et des décors, la variation stylisée des couleurs créant une atmosphère particulièrement glauque nous faisant presque ressentir le Veill, font de ce hors-série une belle oeuvre d'art. Certes, la forme légèrement humanoïde de la tête du dragon surprend un peu, les combats manquent un peu de mouvements, de dynamisme et l'armure de l'héroïne (si tant est que l'on puisse encore appeler cela une armure) confine complètement au ridicule, mais le travail d'ensemble reste quand même de grande qualité. Un(e) habitué(e) des mangas sourira d'ailleurs peut-être à la vue de cette armure complètement dénudée : après tout, un mangaka homme qui ne met pas sa touche légèrement sexualisée à son manga n'existe pas.

Amis lecteurs, ne voyez en Chevaliers Dragons qu'un exercice de style né de la rencontre entre deux univers aux antipodes l'un de l'autre. Lisez et regardez cet album avec le recul de cette idée à l'esprit. Oubliez pour un temps La Geste des Chevaliers Dragons, et faites comme si vous ne connaissiez pas ses héroïnes et son monde. Alors vous apprécierez à sa juste valeur cette oeuvre certes, non indispensable, mais un peu incontournable.