8.5/10Commando Colonial - Tome 1 - Opération Ironclad

/ Critique - écrit par riffhifi, le 08/09/2008
Notre verdict : 8.5/10 - Ironclad lives again (Fiche technique)

Tags : appollo livres commando bruno colonial tome dargaud

Appollo et Brüno refont équipe après leur excellent diptyque Biotope. Revisitant cette fois la seconde guerre mondiale, ils s'en vont jeter un œil du côté des colonies françaises. Le duo est décidément brillant.

Le dessinateur Brüno, révélé par les petites éditions La Chose, puis par les moins petites Treize étrange, a gagné du galon en accédant à la collection Poisson Pilote de Dargaud en 2007. Faisant alors équipe avec le scénariste Appollo, il livrait Biotope, un diptyque d'anticipation enthousiasmant qui donnait envie de s'en mettre davantage sous la dent. Sans pour autant arrêter de travailler pour Treize étrange (Junk, western ultra-référencé), Brüno s'acoquine à nouveau avec Appollo pour ce Commando colonial qui démontre que les deux hommes peuvent évoluer dans différents environnements avec un bonheur égal.

1942. Tandis que la France occupée obéit au régime de Pétain, la résistance s'organise. Quelle place pour les colonies et les DOM-TOM dans ce contexte ? Le major Antoine Robillard et le premier maître Maurice Rivière sont envoyés à Madagascar pour rencontrer les notables locaux, qui envisagent de rejoindre la
résistance. Mais ils ne trouveront peut-être pas exactement ce qu'ils étaient venus chercher...

Comme d'habitude, le dessin de Brüno est reconnaissable à douze kilomètres, même par un myope bourré qui ne prêterait pas attention. Son style qui pousse à l'extrême le principe de ligne claire est à la fois d'une simplicité désarmante et d'une précision imparable, et lui permet de traiter tous les genres et toutes les époques sans jamais se départir de sa patte. Dans celui-ci, l'influence d'Hergé est un peu plus sensible que dans les précédents, sans doute à cause de l'époque de l'intrigue ; on note même un peu d'Edgar P. Jacobs dans l'aspect du commissaire Lakanal, qui n'est pas sans rappeler le colonel Olrik de Blake et Mortimer. Pourtant, rien de tintinesque dans la façon de raconter cette histoire : Appollo plonge les mains dans un versant méconnu de la guerre, avec une ferveur que justifient sans doute ses propres origines, puisqu'il a partagé son enfance entre l'Afrique du Nord et la Réunion. Il a d'ailleurs cosigné avec Lewis Trondheim un album intitulé Île Bourbon 1730 (l'île Bourbon est l'ancien nom de la Réunion), et a gratifié un des deux
personnages de Commando Colonial d'une origine réunionnaise (il s'agit de Maurice ; Antoine, lui, vient de Maurice - vous suivez ?). Le scénariste porte donc un regard assez pertinent sur ces lieux éloignés de la métropole, qui ont leur propre fonctionnement et leurs préoccupations parfois éloignées de celles du pays dont ils sont supposés faire partie.

L'air de rien, Appollo et Brüno posent également une poignée de personnages plus humains que ceux de Biotope, et mènent avec vigueur un récit très réussi. Là encore, le dessin est rehaussé par la colorisation en aplats de Laurence Croix, qui confère à certaines séquences un aspect à la limite de l'onirique par le simple fait de rendre le ciel jaune comme du cheddar ou violet comme un bonbon. Entre reflet de la réalité historique et stylisation parfaitement maîtrisée, Commando Colonial est une nouvelle réussite et un bel ajout à la collection Poisson Pilote, qui fêtera l'an prochain ses 10 ans.