8/10Sweet Jayne Mansfield

/ Critique - écrit par Maixent, le 23/05/2021
Notre verdict : 8/10 - Pink Palace (Fiche technique)

Tags : jayne mansfield sweet roberto baldazzini jean page

Anatomie d'un sex symbol

Les grandes figures féminines hollywoodiennes des années 30 à 60 hantent encore l'imaginaire collectif. Une époque où la pin-up (mot employé pour la première fois en 1941) et l'actrice ne se détachent pas vraiment. Elle est une icône, un objet de fantasmatiques diverses dont l'image est la première qualité. Elle est un sex-symbol, une figure portée par l'industrie du cinéma comme Rita Hayworth, Lauren Bacall ou encore la plus célèbre d'entre toutes, Marilyn Monroe. Tout comme cette dernière, Jayne Mansfield est une étoile éphémère, née sept avant (morte cinq avant aussi), pour des parcours similaires à la fois glamours et tragiques.


Pink Palace

 

Pour la faire revivre, la collection 9 ½  qui a déjà dressé de très beaux portraits du cinéma en bd a fait appel pour le dessin au maître de l'érotisme de la ligne claire, Roberto Baldazzini connu pour ses héroïnes transgenres que l'on peut voir dans Beba ou Casa HowHard. Du côté du scénario, Jean-Michel Dupont, auteur remarqué et récompensé pour ses talents d'écrivain. Le tout réhaussé par les couleurs de Nicole Ballini, apportant une touche à la fois kitsch et sexy sans jamais en faire trop.

La bande dessinée, biographie fouillée tentant d'adopter le ton le plus juste apporte la réponse à savoir : qui était Jayne Mansfield ?

Connue en tant qu'actrice, mais aussi chanteuse et artiste de cabaret ou encore playmate elle acquiert une notoriété publique et mondiale avec La blonde et moi sorti en 1956. Ce film lui fera  un temps échapper aux films de série Z auxquels elle était cantonnée sans pour autant la sortir de l'image de blonde/faire-valoir et elle ne parviendra jamais à atteindre le niveau d'excellence de Marylin Monroe, emportée dans un mode de vie extrême. Elle sera l'épouse de Mickey Hargitay, acteur également et Mister Univers en son temps, puis ira de liaisons rocambolesques en relations violentes pour mourir tragiquement dans un accident de voiture à l'âge de 34 ans. Personnalité riche, connue pour son goût pour le rose, son tour de poitrine et ses excès en tous genre, elle n'en reste pas moins la mère de trois enfants au Q.I de 163, icône brûlée vive d'un âge d'or hollywoodien où les stars se consument dans l'image et le glamour.
Voler la vedette à Sophia Loren

 

Comme la plupart des biographies, la progression ici est linéaire et commence avec l'histoire d'une petite fille à Philipsburg, en Pennsylvanie qui perd son père trop jeune et rêve de devenir une star. Puis elle devient jeune fille - ses rondeurs ne laissent aucun doute là dessus – ce qui attire le regard des hommes mais aussi la concupiscence. Mère à dix-sept ans, son rêve de célébrité ne la quitte pas, alliant l'intelligence à la beauté. De petits boulots en petits boulots à Hollywood, elle devient blonde pour attirer encore plus les regards, apprenant à maîtriser son image jusqu'à intégrer les studios qui géreront sa vie jusqu'à la fin, la louant même à l'étranger dans des films ringards. D'amants en productions difficiles, elle parvient enfin à atteindre son but, être la nouvelle Marilyn  mais difficile de survivre dans un monde de requins. De star adulée, dans un monde de faste et de paillettes, elle redescend jusqu'à flirter avec le grotesque, prise dans des dépenses excessives et des rôles sans intérêts, devenant très vite une caricature rose bonbon de son personnage. Un nouveau mari violent, la drogue, l'Eglise de Satan, des dettes, des enfants en chute libre... Un parcours de vie hollywoodien classique et tragique qui se finit dans un accident de voiture.


Déchéance

 

Les auteurs auraient pu s'arrêter à cette vision factuelle de la vie de Jayne Manfield mais ne manquent jamais de rappeler sa profonde humanité et un réel talent. S'adressant à elle à la deuxième personne, lui posant des questions auxquelles elle ne pourra plus répondre, ils offrent une épaule charitable et bienveillante à cette vie brisée. La bande dessinée est traitée avec beaucoup de respect pour le personnage et une vision empathique qui plonge le lecteur dans ce récit de vie et une ambiance passée toujours aussi fascinante. D'autant que le dessin s'y prête parfaitement, la ligne claire et les couleurs donnant un effet « barbie » à l'ensemble qui met en avant le côté factice d'Hollywood et la fascination du cinéma. Par ailleurs, les décors et les nombreux personnages sont très bien caractérisés et on lit cette biographie comme une fiction entrainante. 

Dans cette foire que fût le cinéma américain, Jayne Mansfield fait figure de mascotte, incarnant à elle seule les dérives d'une société de consommation dans le paraître où les idoles sont brisées et les rêves virent au cauchemar. Une formidable épopée humaine de la gloire à la déchéance pour une icône intemporelle.