Casterman : La Loterie, Le monde d’après

/ Critique - écrit par plienard, le 21/10/2016

Deux récits prenants chez Casterman viennent de sortir, dans des styles graphiques très différents et vraiment marqués, ce qui pourrait rebuter certains, et ce qui serait dommage.

La loterie – note : 8/10

Le récit qui est raconté dans cette bande dessinée est à peine croyable. Il faut d’abord savoir que c’est l’adaptation d’une nouvelle de Shirley Jackson par son petit fils Miles Hyman. Ecrite en 1948 pour le New Yorker, cette nouvelle effrayante a valu à la jeune femme de nombreuses lettres de protestation des lecteurs.


©Casterman édition 2016.

A priori, rien de bien extraordinaire ne se passe dans cette BD. Un village de l’Amérique profonde organise une loterie. C’est la loterie annuelle, une tradition quasi séculaire avec ses codes et ses rites. Qu’y a-t-il à gagner ? On ne le sait pas encore. On sent par contre une certaine tension. Les enfants se battent, les parents sont nerveux. Tous les habitants sont attendus et le tirage ne démarre que lorsque tout le monde sera là. Pourtant il n’y a que les hommes qui tirent un papier dans l’urne et les garçons de plus de 16 ans.

Miles Hyman met en dessin l’histoire de sa grand-mère avec une réelle élégance. Avec de grandes cases, dans le style des peintres américains des années 30 tels Grant Wood ou Edward Hopper, et avec très peu de dialogues, on suit ce tirage au sort avec anxiété. Il a réussit à nous mettre mal à l’aise par petites touches. Le regard de certains personnages, leur mine patibulaire. Le comportement violent des enfants. Tout concourt à montrer que cette loterie n’est pas anodine. Tout le monde la réclame mais personne ne veut gagner. Mais gagner quoi ? Il faudra attendre les dernières pages pour comprendre, même si jusqu’au bout on n’ose pas l’accepter.

Miles Hyman a parfaitement réussit à adapter la nouvelle de sa grand-mère à en croire l’histoire qui entoure ce récit. C’est une belle récompense pour cet auteur qui a adapté le Dalhia noir de James Elroy avec Matz déjà chez Casterman.

 

Le Monde d’après – note : 7/10

Le monde d’après vient faire suite au Reste du monde aux éditions Casterman. Marie, une mère divorcée et ses enfants passent leurs vacances dans une maison de campagne dans les Pyrénées. Lorsqu’un orage éclate et que tout commence à bouger. Il faut vite évacuer, mais il est déjà trop tard. La terre se soulève, des éboulements sont provoqués. Il va falloir apprendre à survivre dans un monde désolé.


©Casterman édition 2016.

On retrouve donc la petite famille dans la campagne dévastée, qui cherche à éviter les groupes de pillards qui se sont formés. Armés de plusieurs fusils, rassurés par la présence de leur chien, ils marchent pendant des heures en direction de la mer, espérant peut être retrouver le père des enfants. C'est en tout cas pour eux qu'elle prend cette option. Mais il va d'abord falloir trouver des vivres, et se faire discret.

Ce récit apocalyptique de Jean-Christophe Chauzy n’est pas sans rappeler celui d’Autoroute sauvage par Mathieu Masmondet ou celui de Soleil froid de Jean-Pierre Pécau et Damien. La comparaison se limitera à l’univers dans lequel baigne les personnages : la survie dans un monde dévasté avec des pillards. On ne peut pas s’empêcher d’avoir des craintes pour cette famille qui risque sa vie à chaque instant de tomber sur les mauvaises personnes. D’autant que tout le monde semble devenu fou, dans une sorte de régression animale à l’image de leur chien Plutarque. Et même les éléments climatiques s’en mêlent.

On admire Marie qui essaie de garder un semblant de dignité en continuant à enseigner des notions de vocabulaire à ses enfants. Les mots ne sont d’ailleurs pas choisis au hasard et prendront toute leur signification dans un final tragique.


Les couvertures des 2 albums - ©Casterman édition 2016.