Les Aventures de Blake et Mortimer - Tome 19 - La malédiction des trente deniers tome 1 : Le manuscrit de Nicodemus
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 17/12/2009 (L'album semble bel et bien avoir fait l'objet d'une malédiction, mais il tire correctement son épingle du jeu, pour peu qu'on préfère Mortimer à Blake et qu'on ne soit pas trop regardant sur l'originalité des péripéties.
Le nouvel album de Blake et Mortimer semble tout faire pour repousser les lecteurs : arrivant après un Sanctuaire du Gondwana à la couverture dynamique mais au contenu faiblard, il se calfeutre pour sa part dans un visuel extérieur austère et déprimant, tout en affichant sans ambages sa nature de "tome 1", qui implique que la suite de l'histoire ne sera lisible que dans un avenir incertain - après tout, le deuxième tome des 3 formules du professeur Sato s'est fait attendre durant treize ans ! Se pencher sur l'histoire de la création de l'album ne fait que confirmer cette crainte : le dessinateur René Sterne, qui prenait la relève de l'excellent Ted Benoit précédemment associé aux scénarios de Jean Van Hamme, est mort subitement
Le manuscrit de Pan ?!
C'est pas plutôt le labyrinthe ?fin 2006, alors qu'il travaillait sur La malédiction des trente deniers. Trois ans plus tard, c'est achevé par sa femme Chantal de Spiegeleer que l'album nous parvient, porteur de cette tragédie sous-jacente... Ce n'est pourtant pas à l'aune de ces circonstances que la bande dessinée doit être lue, mais bien comme "le nouveau Blake et Mortimer", un statut qu'il assume avec le professionnalisme que l'on connaît à Van Hamme.
Philip Mortimer, invité par le professeur Markopoulos à se rendre en Grèce pour résoudre un mystère, accepte d'autant plus volontiers que son ami Francis Blake vient de se lancer aux trousses d'un colonel Olrik fraîchement évadé de prison. Malgré son scepticisme, Mortimer va devoir accepter l'idée que les trente deniers de Judas l'Iscariote soient bien plus qu'une simple légende...
On le sait : E.P. Jacobs a toujours préféré Mortimer à Blake, et ses deux équipes de successeurs ont entretenu la règle qui veut que seul le premier puisse vivre de véritables aventures solo. Le pauvre capitaine moustachu est une nouvelle fois confiné au banc de touche, et parvient à réussir le tour de force d'apparaître encore moins que dans l'album précédent ! S'agissant d'un diptyque, on peut toujours se dire que le prochain sera enfin consacré à Blake, avec une couverture qui dévoilera son torse huileux et la blondeur de ses poils pub... heum... Bref, en attendant, la première partie de l'histoire se concentre sur le barbu, embarqué dans un schéma classique de légende prise au pied de la lettre, avec courses-poursuites et longues explications pédagogiques à la clé. Van Hamme connaît son affaire, c'est un mec qui a écrit du XIII, du Largo Winch, du Thorgal, du Lady S., du Wayne Shelton... Il peut vous tricoter un scénario d'enfer avec les clichés les plus éculés,
Nouveau look : Olrik se
rase avec une biscottede la même façon que votre grand-mère du Larzac vous fait un pot-au-feu succulent avec de la viande avariée et deux vieilles carottes rassises. Et tant pis s'il recycle une scène vue mille fois, y compris dans le dernier OSS 117 cinématographique et le dernier Wayne Shelton risible, car il l'a de toute façon écrite en 2004. Et toc.
Au dessin, le passage de deux personnalités successives se fait sans heurt, à tel point qu'on serait bien en mal de distinguer ce qui est signé de feu Sterne et ce qui l'est de sa femme. Optant comme les petits copains pour un graphisme scrupuleusement jacobsien, époque "Marque Jaune", ils ont su imposer une ligne claire franche et efficace, moins fouillée que chez Ted Benoit mais autrement mieux composée que chez André Juillard. Les personnages dégagent tous un parfum de familiarité confortable, moelleuse, renforcé par une colorisation douce cosignée de Laurence Croix. Du coup, on est heureux de retrouver Olrik bien que sa présence obligatoire paraisse avoir été ajoutée à grand peine dans l'intrigue. Bon, à quand un album avec Blake en vedette, dans lequel Olrik n'apparaîtrait pas ? Ou alors se ferait décapiter dès la première page, avant d'être emporté par une coulée de lave brûlante dans les profondeurs d'un volcan en éruption ?... Heum, bref...
Aussi agréable que soit ce nouvel opus, il souffre cependant du syndrome fréquemment observé dans les premières parties de diptyque : un petit air d'introduction à rallonge, une incapacité à satisfaire par sa seule lecture. Heureusement, l'identité du dessinateur en charge du second volet est connue : il s'agit d'Aubin Frechon, et la sortie est espérée fin 2010... Wait and see.