La Véritable histoire de Futuropolis
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 26/09/2007 (Longue vie aux idéalistes et aux passionnés.
L'actualité de Florence Cestac est double : pour les lecteurs de Pif Gadget, elle sort La fée Kaca chez les Humanos ; pour les exégètes de la Bande Dessinée (et les amateurs dilettantes mais curieux), elle sort cette Véritable histoire de Futuropolis chez Dargaud. Pourquoi pas chez Futuropolis ? Parce que les éditions connues aujourd'hui sous ce nom n'ont que le patronyme de commun avec celles dont parle l'auteur dans cet album. Celles-ci ont existé de 1972 à 1994, comme le rappelle la couverture présentée à la manière de la collection Copyright, que dirigeait Cestac elle-même du temps de Futuro.
Mais reprenons au début : au début des années 70, Etienne Robial et Florence Cestac découvrent l'existence d'une librairie de bandes dessinées située dans le 15ème arrondissement de Paris. La boutique Futuropolis, nommée d'après une bande dessinée de René Pellos (à qui on doit les plus belles années des Pieds Nickelés), sera reprise par le couple et quelques amis, qui auront tôt fait de transformer la librairie en lieu de rencontres, puis en véritable maison d'édition indépendante, spécialisée dans le format improbable et la découverte de jeunes talents. L'activité de Futuro s'inscrit également dans la période où la bd quitta son image d'art enfantin pour sillonner clairement les chemins de la littérature adulte : érotisme, adaptation littéraire ardue, œuvres intimistes ou mordantes, etc.
A travers les 100 pages de cette méta-bande dessinée, Florence Cestac fait revivre l'aventure d'une poignée de passionnés qui ne doutaient de rien, fonçant tête la première dans une entreprise qui les faisaient rêver. De cette tranche de sa vie, elle garde des souvenirs cocasses, des fiertés émues, quelques regrets bien sûrs, assez peu de rancœur finalement (bien que quelques comptes soient gentiment réglés à travers la représentation de certains personnages). Autosatisfaction ? Un peu sans doute. Autodérision ? A pleines louches. Cestac décrit la fine équipe comme une bande de rêveurs, enthousiastes mais parfois dépassés par les évènements. Quant au lecteur, transporté vingt ans en arrière, il croise au fil des pages plusieurs figures majeures de la bande dessinée, dont le destin a croisé celui de Futuropolis d'une façon ou d'une autre : Jacques Tardi, Enki Bilal, Robert Crumb...
Le dessin est immédiatement reconnaissable, et bien que les personnages à gros nez soient apparemment tous identiques, aucun doute n'existe jamais quant à l'identité de ceux qui se trouvent dans une case. Un tour de force surprenant, d'autant plus difficile à réaliser sans l'appui de la couleur ou de costumes pittoresques. Mais Cestac gère un max ; et les 100 pages s'avalent avec un plaisir évident, rythmées qu'elles sont par les galères en tous genres, les craintes, les réussites. Jamais hilarant mais parfois franchement drôles, les péripéties se font parfois touchantes, voire tristounes. Lorsque la fin arrive, on ne peut qu'écraser une larme à l'idée que tant d'efforts se soldent par un sac de souvenirs. Mais c'est le lot de ce type d'entreprises, et c'est ce qui leur conserve leur sincérité et leur saveur.
Longue vie aux idéalistes et aux passionnés.