7.5/10Thorgal - Tome 31 - Le bouclier de Thor

/ Critique - écrit par athanagor, le 22/12/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Thorgal... le goût (Fiche technique)

Tags : thorgal tome eur rosinski thor bouclier sente

2e volet du renouveau de la saga, après la reprise par Sente. Dans la logique des cycles, on reprend ici à la suite du tome 30, Moi, Jolan.

Suite au raccrochage de Van Hamme, Yves Sente reprenait le flambeau dans Moi, Jolan, proposant une aventure centrée sur le fils de Thorgal, ayant rejoint l'entremonde sous la conduite de Manthor, maître de la confrérie rouge, après avoir sacrifié sa vie pour sauver celle de son père. Continuant sur la lancée de cette histoire, dans la tradition des cycles qui ont rythmé les
parutions du héros nordique, cet album se pose comme une charnière, à l'articulation entre le précédent opus où l'attention était portée sur les épreuves subies par Jolan, et ce qui semble être un retour de Thorgal dans le feu de l'action.

Dans cette logique d'épisode intermédiaire, l'album se fait très didactique. On entrevoit la genèse de l'armée qui vit, cette armée de poupées de chiffon investies des âmes de guerriers délaissés par les Walkyries et à la force illimitée. On connaît également  l'origine de Manthor, le pourquoi de son masque et la nature de sa mère, Vylnia. Continuant dans la lancée des épreuves suivies par Jolan et des autres enfants recueillis par Manthor pour leurs pouvoirs, permettant malgré le peu de présence du rôle-titre de parler de lui par l'intermédiaire de la droiture d'esprit qu'il a légué à son fils, on voit se mettre en place les rouages qui vont finalement pousser Thorgal a abandonner sa vie sédentaire, pour repartir à l'aventure, récupérer Aniel son fils adoptif, capturé par
 les membres de la confrérie de la magie rouge. Tout est donc arrangé pour faire place au troisième album du cycle, qui s'annonce plus centré sur le père que sur le fils.

Techniquement parlant, tout est en place dans l'histoire, et aucun moment mort n'est à déplorer. On constate ici le gros avantage qu'il peut y avoir à composer des histoires sur la mythologie germaniques : captivante et étrangement familière, elle n'en est pas moins mal connue, ce qui offre une certaine latitude à l'invention. De plus, tous les personnages y intervenant, relativement peu nombreux, ont un caractère particulier et bien trempé, dénotant assez bien une facette du comportement humain, ce qui permet de les réutiliser toujours très correctement dans n'importe quel conte créé de toutes pièces. Tant et si bien qu'il ne serait pas étonnant de tomber sur un manuscrit inconnu de Labiche ou de Feydeau, traitant d'un dîner qui tourne au vinaigre au royaume d'Aasgard. Souffrant certes d'une certaine « maigreur » face à d'autres mythologies, comme la grecque, championne toute catégories en nombre d'anecdotes, la mythologie germanique n'en reste donc pas moins un formidable vivier pour qui sait s'y prendre un tant soit peu. Et en l'espèce Sente s'en sort très bien. Manthor et sa mère Vylnia, pourtant une déesse, n'apparaissent nulle part dans le cadre officiel, mais sont plus que crédibles, créés pour l'occasion et importés dans ce panthéon. Idem pour cette armée de chiffon, plus vraie que nature et que l'on sent essentielle
pour l'histoire. Prenant donc le temps de reposer son cadre, Sente propose un scénario nécessaire et juste, mais qui ne pourra faire l'économie de ce qu'il annonce pour le troisième volet, sans subir les foudres maudites de lecteurs impatients.

Il ne sert à rien de vouloir disserter sur le travail de Rosinski, qui se passe complètement de commentaire. La magie du trait, l'identification totale à la représentation canonique de cette mythologie, imposées par des peintres comme Füssli, Penrose ou Winge, dans des tons et des ambiances empruntées à Friedrich, si bien assimilées qu'il en devient à son tour une des références cadres, en y rajoutant des éléments qui évoquent le style illustratif russe de la fin 19e, début 20e, représenté par exemple par Bilibine et Gorbatov. On ne peut qu'être admiratif et il est difficile de ne pas sentir que l'ouvrage est tout entier porté par ce grand talent, ce qui à la fois en fait une valeur sûre, et risque de biaiser le jugement que l'on pourrait porter sur le scénario. On a néanmoins l'intuition que tout son talent ne saurait dissimuler une histoire bâclée et, partant, que celle-ci ne l'est pas.