8/10Strangers in paradise - Tome 3 - La belle vie

/ Critique - écrit par riffhifi, le 23/06/2009
Notre verdict : 8/10 - Katchoo la jolie (Fiche technique)

Tags : paradise strangers moore terry tome katchoo vie

Alan n'est pas le seul Moore qui fasse date dans l'histoire des comics. Terry y a également posé sa patte avec Stangers in Paradise, dont Kymera s'active à proposer la totalité en publiant parallèlement la fin et le début.

Reprenons au début : Strangers in Paradise est une saga commencée par Terry Moore en 1993, qui prit fin en 2007 avec le 106ème épisode. En France, la publication a été tumultueuse : commencée en 1999 par Le Téméraire, elle prit fin prématurément au tome 3. Reprise par Bulle Dog en 2002, elle se poursuivit jusqu'au tome 7. Enfin, en 2005, Kymera reprend le flambeau à partir du tome 8, et s'apprête actuellement à sortir le treizième. En parallèle, l'éditeur a eu la riche idée de republier les premiers tomes pour que les lecteurs puissent se les procurer sans avoir à menacer de mort les bouquinistes et autres revendeurs de BD d'occasion.
Après les tomes 1 et 2 fin 2006, une pause de deux ans et demi a eu largement le temps de préparer les papilles à ce troisième tome, en attendant les quatre qui manquent encore pour boucler la boucle. La chose est parue une première fois sous le titre Comme les larmes d'une étoile, puis sous celui de La reine des cœurs, pour devenir aujourd'hui tout simplement La belle vie.

Katchoo n'est pas le bruit que l'on fait en éternuant, c'est le nom de la blonde jeune fille représentée sur la couverture, contraction de Katina Choovanski. La donzelle vient d'échapper à la mort, qui prenait la forme d'une harpie appelée Darcy Parker, et ne doit de garder le moral à l'hôpital qu'aux visites régulières de son amie Francine. Cette dernière acceptera-t-elle un jour ses sentiments pour Katchoo, elle-même homosexuelle mais poursuivie par les ardeurs de David, le frère de Darcy ? Rien n'est moins sûr, d'autant qu'elle voit ressurgir son ancien amour Freddie, qui réalise à quelques semaines de son mariage qu'il éprouve encore un vachement gros petit quelque chose pour Francine.

Condensée en quelques lignes, l'histoire semble relever, au choix, du sitcom ou du soap opera. Pourtant, et indépendamment de l'aspect thriller qui s'y infiltre par endroits, Strangers in Paradise échappe sans peine à toute catégorisation, et surtout à la niaiserie que l'on associe trop souvent aux histoires sentimentales. Ici,
la violence vibre, les voix éructent, les rapports entre les personnages sont d'une cruauté très réelle, et il est heureux que, comme dans la vie, le ridicule ne tue pas. Bien que la relation entre Francine et Katchoo n'en soit encore qu'à ses balbutiements (souvenez-vous, une dizaine de tomes restent à venir), celle-ci porte déjà en germe tout ce qui fait le sel de cette série : un mélange de camaraderie et d'attirance, de complicité et de complexité, le tout vu par les jumelles d'un Terry Moore caustique et moqueur qui n'hésite pas à appuyer sur l'aspect "bia'tch" de la blonde et le côté "grosse coincée" de la brune.

Ce qui achève de faire l'attrait de Strangers in Paradise, c'est le style inimitable d'un auteur inclassable (qui s'édite d'ailleurs lui-même la plupart du temps) : dessin lisible qui ne verse qu'à peine dans la caricature, usage inflexible d'un noir et blanc strict (pas de gris là-dedans), mais la narration bifurque régulièrement dans de curieuses contrées comme le texte dactylographié illustré, la pellicule accompagnée d'une chanson... Terry Moore raconte son histoire comme il l'entend, ne reculant devant aucune excentricité, tel un Danny Boyle du comic. Il paraît que la série a la particularité de captiver un public féminin qui d'ordinaire ne consomme pas de BD. Mais on peut être un homme, consommer les BD par packs de douze et aimer celle-ci, ça n'est pas incompatible.