Petite nature - Tome 3 - Prêt à tout
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 13/06/2009 (Tags : tome chauzy nature jean petite christophe tout
Avec sa petite nature et son grand talent, Jean-Christophe Chauzy livre un troisième volet en très grande forme de sa vraie fausse autobiographie au quotidien.
Raconter sa propre vie de dessinateur humoristique, côté personnel comme professionnel, est devenu monnaie courante chez les auteurs de Petits Mickeys, particulièrement chez les habitants de Fluide Glacial : Gotlib a montré la voie, et ces dernières années ont vu les chroniques autobiographico-romancées de Carlos Giménez, feu Moerell, Gaudelette, Cyril Pedrosa, Edika (sisi, Bronsky est dessinateur de BD, c'est quasiment de l'autobiographie)... Même Blutch joue de cette veine avec son Blotch décalé (dans le temps, mais pas seulement), et Larcenet qui l'évitait n'a pas hésité à se rattraper plus tard dans Le retour à la terre chez Dargaud. Jean-Christophe Chauzy, ancien occupant de chez Casterman, s'est donc intégré au giron Fluide par cette porte, en contant sous le titre Petite nature ses propres tribulations de grand échalas flanqué de deux rejetons et d'une timidité handicapante.
Curieusement, Chauzy a pris le parti de ne jamais rester seul pour raconter ses déboires : Zep, Lindingre et Anne Barrois se sont succédés en coscénaristes du bonhomme depuis le tome 1, apportant un regard extérieur sur ce qui aurait pu rapidement tourner au trip nombriliste. Alors, quid de la vérité dans ce que vit le JC de papier ? Difficile à dire. Souvent crucifié par les évènements hostiles (avec ses initiales, pas étonnant), il semble être le reflet déformé du Chauzy de chair, qui souffre probablement de la même impression de ne rien maîtriser. Les situations sont pour la plupart issues du quotidien (ou plutôt du mensuel, voire de l'annuel, dans le sens où on ne les vit pas exactement tous les jours), donnent souvent l'impression d'avoir été vues mille fois (séance chez la voyante, cure de sport pour avoir un body de rêve, prise de sang intimidante...), mais s'avèrent toutes croquées avec une sincérité et une fraîcheur qui font immédiatement plaisir. Chauzy et Barrois, dans ce troisième tome, se font un devoir de confronter Jean-Christophe à tous les chausse-trappes du monde moderne : Internet, la
téléréalité "relooke-moi-ça"... L'autodérision de l'auteur ne parait jamais forcée, et les gags puisent dans le réel en ne versant que subtilement dans le too much (le cours d'éducation sexuelle y plonge en revanche jusqu'au torse, mais c'est si bon...). La dernière histoire, quant à elle, enfonce le clou de la mise en abîme en citant les épisodes précédents que le personnage vient de vivre... mais aussi de dessiner !
Servies par le style inimitable de Chauzy et sa mise en couleurs toute douce à l'aquarelle, ces historiettes sirotent l'air de rien une source que l'on craignait de voir tarie bien plus tôt. Et pour un troisième album, on était loin de s'attendre à rire plus fort que devant les deux premiers ; s'il fallait faire un reproche (mais heureusement, rien n'y oblige), il faudrait se rabattre simplement sur le format, redevenu solide alors que les tomes précédents appartenaient à la catégorie des "albums mous qui ont la classe" de Fluide. Tant pis, ça ne justifie pas de se priver de la lecture.
Je suis une petite nature !
Et je m'fatigue facilement !
Ce que je fais, je le fais lentement.
Très souvent, j'ai des faiblesses,
Et des ratés dans le moteur,
Des lourdeurs, des sueurs, des vapeurs.
Et si par hasard j'ouvre trop grand la bouche,
Immédiatement, j'ai le nez qui se bouche.
Je suis une petite nature !
Faut jamais compter sur moi !
Car l'amour, ça n'est pas fait pour moi.
Fernandel dans le film Les 5 sous de Lavarède (paroles de Jean Manse)