Petite nature - Tome 2 - Même pas peur
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 19/03/2008 (Tags : chauzy nature jean petite christophe tome edition
Rigolote et spontanée, la chronique du quotidien de Monsieur Chauzy fait plaisir à lire. Le pauvre n'a toujours pas de bol avec la gent féminine néanmoins, c'est presque triste.
L'an dernier, Jean-Christophe Chauzy mettait déjà en scène pour Fluide Glacial son alter ego quadragénaire, filiforme, dessinateur et victime de son environnement. Un alter ego dont il est bien difficile de dire si sa vie est une exacte réplique de celle de l'auteur ou une galerie d'histoires parfaitement fantaisistes. La fiction se nourrit du réel quoi qu'on fasse, alors pourquoi ne pas brouiller les pistes ?
Jean-Christophe, avant tout, a un problème avec les femmes. Qu'elles soient
médecins sadiques et veuillent lui meurtrir les bourses, concurrente déloyale dans un jeu télé ou voisine âgée encline à abuser de sa gentillesse, pas une ne semble avoir à l'esprit de faire le bonheur de notre héros. Comme dans le premier tome, le nœud se situe dans cette relation problématique avec les femmes, plus que dans la nature soi-disant petite du personnage dégingandé. A tel point que les épisodes qui traient d'autre chose paraissent presque hors sujet, même lorsqu'ils sont aussi réussis que Père courage ou Diffamafion. Notez d'ailleurs le titre de ce dernier, qu'on pourrait aussi prononcer « Dis : femme à fion » ; mais ce serait un peu vulgaire, et Chauzy ne l'est jamais. Incroyable, quand on voit que certains épisodes, comme dans le tome 1, sont scénarisés par Lindingre, champion du mauvais goût hardcore avec sa série Titine au bistrot. L'autre scénariste de Chauzy, cette fois, n'est pas Zep mais Anne Barrois, qui n'épargne pas pour autant au personnage principal les rencontres féminines les plus traumatisantes.
A travers un dessin expressif mais pas excessif et une mise en couleur très douce, Chauzy chronique la vie de cet autre lui-même avec une verve graphique incontestable et un usage tempéré mais efficace de la planche. De tout l'album, il ne rompt que deux fois le parallélisme des cases avec le bord de la page, dans Coqs en promo et Père courage. Etonnant d'ailleurs, de n'avoir pas gardé ces deux récits énergiques et drôles pour la fin de l'album, au lieu de clore sur Balles neuves et Second body, les deux histoires les plus faibles et les plus prévisibles. On
pourrait même parler de cliché en évoquant l'analyse de sperme ou le gag final. Vraisemblablement, l'ordre des histoires est déterminé par l'ordre de leur parution originelle dans le magazine Fluide Glacial plus que par une volonté de créer un crescendo comique. C'est regrettable, mais pas suffisamment pour plomber une bande dessinée hautement appréciable, au graphisme et au personnage aussi attachants l'un que l'autre.
Selon le dossier de presse, l'album s'adresse à la « niche commerciale de tous les quadragénaires en déprime sentimentale ayant peur de vieillir ». Mais selon ce même dossier, Chauzy mesurerait 3 mètres 80. Petite nature touche donc un public bien plus large, composé de gens qui s'interrogent sur leur place dans le quotidien, et s'y bouffent les pires humiliations sans savoir d'où elles viennent. Dur d'être une petite nature.