8/10Mister Hyde contre Frankenstein - Tome 1 - La dernière nuit de Dieu

/ Critique - écrit par riffhifi, le 11/04/2010
Notre verdict : 8/10 - Synchronisation des monstres (Fiche technique)

Tags : hyde frankenstein tome mister contre jekyll dieu

Deuxième entrée de la collection 1800 de Soleil, ce crossover entre deux monstres sacrés du fantastique gothique a tout pour exciter les amateurs du genre, à commencer par un scénario malin et référencé. Reste à voir ce que réserve la deuxième et dernière partie.

Après le Sherlock Holmes & les vampires de Londres qui ouvrait la nouvelle collection 1800 de Soleil, on pouvait s'attendre à ce que ce Mister Hyde contre Frankenstein soit une maxi-baston dans le même esprit sympa mais simpliste. Première surprise : l'approche adoptée mise autant (voire plus) sur l'intrigue que sur l'ambiance, quitte à ce que les deux patronymes du titre soient quasiment absents de cette première partie. Le but : respecter les histoires originales (le scénariste Dobbs remercie Robert Louis Stevenson et Mary Shelley en exergue de l'album), en proposant un croisement "possible" des deux, avec toutes les difficultés que cela suppose : les deux romans se déroulent à près d'un siècle d'écart (d'ailleurs, la collection aurait pu s'appeler 1890, à en juger par ses deux
premiers opus), dans deux pays différents... Mais leur proximité de thèmes et de styles est incontestable, et on peut s'amuser à établir les connections qu'ils ont déjà connu précédemment : tous deux adaptés au cinéma par Terence Fisher dans les années 50-60, à la télévision par David Wickes dans les années 90, Hyde et la créature de Frankenstein trouvent même le moyen de cohabiter dans le Van Helsing de 2004.

Chez Dobbs, le personnage principal est la servante du docteur Jekyll. L'idée a un air de déjà-vu ? Oui, c'était le principe même du livre et du film Mary Reilly. Sauf qu'ici, ladite servante se nomme Faustine Clerval. Encore une fois, vous avez un flash ? Clerval est un nom issu du Frankenstein de Mary Shelley. De référence en référence, littéraire ou historique, le scénario installe posément une histoire solidement ficelée, invitant au passage à se documenter sur l'époque évoquée - à la manière de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Pas de confusion possible avec l'œuvre d'Alan Moore, puisque le dessin d'Antonio Marinetti part dans une direction diamétralement opposée à celle de Kevin O'Neill, optant pour un réalisme élégant et glacé que soulignent les couleurs désaturées de Virginie Blancher.

Parti sur les traces d'un certain Walton (héhé), le docteur Jekyll a-t-il conscience de se rapprocher du fruit d'une expérience scientifique aussi inquiétante que la sienne ? Jouant avec la connaissance préalable que le spectateur peut avoir des
deux histoires, l'album se révèle pourtant très parcimonieux dans le département de l'horreur explicite, préférant jouer sur l'épouvante insidieuse (ombres, reflets) et les rares poussées de violence. Cette intelligence, et l'originalité de la représentation des personnages (Jekyll en chauve séduisant et musculeux, la créature de Frankenstein sous une apparence inédite et bien éloignée du combo "tête plate / boulons" qui lui colle à la peau depuis les années 30), font de ce crossover inattendu une bien bonne surprise, à la fois adaptée au grand public et empreinte de dandysme gothique.

Au rayon des reproches, on s'étonne surtout que Jekyll et Hyde partagent une même apparence (alors que le support dessiné permettait justement toutes les excentricités), mais ce choix trouvera peut-être une justification dans la suite à venir... Espérons simplement que ce seul deuxième album suffira à couvrir le restant d'histoire sans la compresser, après une introduction diablement efficace mais donnant l'impression de ne pas avoir encore plongé au cœur du sujet.