Sherlock Holmes & les vampires de Londres - Tome 1 - L'appel du sang
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 22/02/2010 (Sherlock à Paris, Sherlock contre les vampires, Sherlock pendant ses années de mort supposée, tout ce qu'on trouve ici a déjà été vu avant. Mais quand on aime ça, on a bien le droit de manger de la raclette deux jours de suite.
Avec la sortie cinématographique récente du médiatisé Sherlock Holmes avec Robert Downey Jr., le détective créé par Sir Arthur Conan Doyle semble avoir la cote. Une nouvelle série TV, un direct-to-video avec dinosaures, quelques rééditions DVD, d'inévitables rééditions littéraires (les textes d'origine, les pastiches de toutes sortes)... De son côté, la bande dessinée n'a jamais vraiment oublié le
personnage. Rien qu'en France, ces dix dernières années ont accueilli la série comique Baker Street de Veys & Barral chez Delcourt, une série jeunesse titrée Sherlock chez Glénat, une autre appelée Les Quatre de Baker Street chez Vents d'Ouest, et Futuropolis a déjà sorti les deux premiers tomes de l'excellent Holmes de Cecil et Brunschwig. Cette fois, c'est l'éditeur Soleil qui s'empare du détective, et le jette dans les griffes d'une escouade de vampires pour inaugurer la collection 1800 de Jean-Luc Istin. Quand il a une idée en tête, c'est pas le genre à perdre le fil, Istin : après Holmes et les vampires, sa collection proposera Mister Hyde contre Frankenstein, alors même que de nouvelles adaptations de ces deux personnages ont été annoncés récemment à Hollywood. En même temps, peut-on parler d'opportunisme quand il s'agit de sujets qui reviennent régulièrement sur le devant de la scène depuis plusieurs siècles ?... Et surtout, a-t-on lieu de s'en plaindre lorsque le résultat est agréable ?
Au scénario de ce Sherlock Holmes et les vampires de Londres, on trouve le prolifique Sylvain Cordurié : entouré du dessinateur Laci (Vladimir Krstic pour l'état-civil et les orthophonistes) et du coloriste Axel Gonzalbo, il reforme le trio du Céleste Noir publié chez Delcourt. Dire que le concept de départ est neuf serait exagéré puisque Holmes a déjà été confronté plusieurs fois au monde vampirique (notamment dans le roman Le dossier Holmes-Dracula), et que Gallimard Jeunesse a publié en septembre dernier un petit livre appelé Les vampires de Londres dans lequel on croisait Sherlock en personne ! Le choix de situer le récit fin 1891, après l'affrontement entre le détective et son ennemi Moriarty, rejoint également l'approche de plusieurs autres pastiches (notamment la BD Holmes évoquée plus haut) de
retracer les évènements du "Grand Hiatus", cette période de trois ans durant laquelle le héros était supposé mort. Au rayon des figures imposées holmésiennes, et malgré l'absence physique du docteur Watson (logique), on croisera également au fil des pages le frangin Mycroft et "la" femme Irene Adler, histoire de rappeler aux connaisseurs qu'on est en contrée balisée. L'auteur remercie d'ailleurs la Société Sherlock Holmes de France, dont le site l'a aidé dans ses recherches.
Rationalisme contre surnaturel ? Logique contre superstition ? Cordurié ne s'embarrasse pas de ces problématiques, et part du principe que ses lecteurs sont prêts à accepter sans sourciller le mélange des univers ; tout juste aborde-t-il le sujet des addictions, que le personnage est supposé avoir délaissé (cocaïne, tabac) mais qui trouve un sinistre écho dans le besoin de sang des vampires. Préférant jouer sur le terrain de l'ambiance et de l'action, bien servi en cela par le dessin très classe de Laci, le scénariste en oublie parfois de fournir à son Holmes l'occasion de briller intellectuellement. Le déroulement de l'intrigue s'avère donc assez conventionnel (agressions, menaces, discussions tendues entre ennemis qui se respectent), jusqu'à l'incontournable cliffhanger final. Bonne nouvelle : on n'attendra pas trop longtemps le tome 2, déjà programmé pour le mois de mai. Et en attendant, on verra si le Hyde vs. Frankenstein de Dobbs (sortie en mars) fait preuve de plus d'imagination et d'audace... Pour l'aspect visuel, on ne se fait pas trop de souci au vu de la couverture.