8/10Mattéo - 2ème époque (1917-1918)

/ Critique - écrit par plienard, le 30/11/2010
Notre verdict : 8/10 - L’utopiste joli cœur (Fiche technique)

Mattéo revient voir sa mère pour commémorer l'anniversaire de la mort de son père. Il revoit aussi Juliette, la femme qu'il aime et l'invite à le suivre jusqu'en Russie pour participer à la révolution qui va éclater. S'il va être déçu par le refus de la jeune femme, cela ne sera que le début d'une série de désillusions.

Mattéo revient d'Espagne pour l'anniversaire de la mort de son père.  Toujours recherché par la police, il passe juste embrasser sa mère et revoir Juliette. Il lui demande de le suivre jusqu'à Petrograd, où la révolution russe va bientôt démarrer. Il espère qu'elle va le suivre, pourtant il partira sans elle, accompagné uniquement de Gervasio, l'ami d'enfance de son père et qui a là-bas un neveu anarchiste Dimitri.et si à l'arrivée, le froid est glacial, l'accueil au sein des groupes révolutionnaires anarchistes et bolcheviks se fait à coup de vodka.


Suite et fin de la destinée romanesque de Mattéo, dans ce deuxième volet, où il va confronter ses idées à la réalité des choses. Se déclarant volontiers anarchiste, il est attiré en Russie par la révolution qui se trame et par son compagnon Gervasio. Et si dans son esprit, les choses sont faciles à mettre en place, il va découvrir que ses rêves sont un peu utopiques. Et le retour à la réalité va être brutal. Si bien qu'on se demande , si réellement, Mattéo est anarchiste. Car on est loin de l'image (d'Epinal ?) que l'on peut se faire d'un anar. Sauf erreur, un anarchiste est contre l'ordre, contre les institutions. S'il se sent proche des mouvements communistes, il n'en est pas un. Et son idée première est tournée vers le désordre. Et si on voit l'opposition entre les bolcheviks et les anarchistes dans l'album, marquée justement par ce diptyque ordre-désordre, on ne ressent pas vraiment cette idéologie dans le personnage de Mattéo. Au point que lui-même ne semble pas convaincu. Et c'est pourquoi, Gervasio lui dit ‘on est anarchiste, on le reste' (case6, page 13). Propos que Mattéo semble acquiescer du bout des lèvres.


Mattéo est plutôt un doux rêveur, avec certes des idées de gauche, et même d'extrême gauche. Mails il apparaît comme un témoin des événements, il ne cherche pas à vraiment participer (même s'il tuera une connaissance pour reprendre aux anti-communistes le poste de communication). Son rôle sera d'ailleurs réduit à être photographe, rôle pas négligeable quand on connaît la force que peuvent avoir les mots et les photos. Au point qu'il se refusera de photographier les côtés noirs de la révolution avec ces morts collatéraux. Et si les mots et les photos peuvent avoir beaucoup d'impacts, il en est de même des textes et des dessins de Jean-Pierre Gibrat. Et si Mattéo en est à sa deuxième époque, Gibrat en est à sa troisième. Après une première époque de 1978 à 1986 où il est le dessinateur de scénaristes comme Jackie Berroyer, Guy Vidal ou Daniel Pecqueur, la deuxième époque démarre avec
Le Sursis puis le Vol du corbeau (deux tomes, Dupuis), respectivement entre 1997 et 2002 où il se révèle être un scénariste aussi doué que le dessinateur. En 2008, la troisième époque démarre par le premier album de Mattéo où il fait évolué son dessin en s'affranchissant de l'encrage.

En emmenant son idéaliste révolutionnaire et joli cœur sur les bords de la Volga, Gibrat nous dévoile les dessous d'une révolution faite d'hommes intègres et d'opportunistes. C'est l'histoire de la vie du monde dessinée au stylo bille par le maître Gibrat.