8.5/10Magasin général - Tome 1 - Marie

/ Critique - écrit par iscarioth, le 22/03/2006
Notre verdict : 8.5/10 - Une bien belle alchimie (Fiche technique)

Tags : magasin loisel marie tripp tome regis jean

Techniquement parfait, scénaristiquement très ancré dans le quotidien, Magasin général est une incontestable réussite.

Tabernac', quelle équipe !

Il était très attendu, ce nouveau projet de Régis Loisel, le fameux dessinateur de la Quête de l'oiseau du temps et auteur de Peter Pan. Avec Magasin Général, Loisel retrouve le travail en équipe. Lui et Jean-Louis Tripp ne se sont pas divisé mais partagé le travail : ils ont scénarisé et dessiné à quatre mains. En préface de ce grand et large album (quatre-vingts pages), on nous présente les « deux étapes » de l'élaboration d'une planche, le passage de relais entre les deux dessinateurs : Loisel met en scène, réalise les croquis et Tripp détaille et finalise la planche.

Force est de constater que le mariage des deux styles donne un résultat très convaincant, alliant maîtrise des plans et mouvements et sens du détail. Il faut rajouter à notre duo de dessinateurs-scénaristes un troisième homme : Jimmy Beaulieu, un auteur BD québécois que Loisel et Tripp ont chargé de travailler les dialogues de l'album pour qu'ils soient à la fois caractéristiques du parler québécois tout en demeurant accessibles aux lecteurs du reste de la francophonie. Quatrième et dernier auteur à citer sur ce projet, François Lapierre, dont ont a pu lire la série Sagah-Nah, parue chez Soleil, qui officie sur Magasin Général à la coloration. Une bien belle alchimie, doit-on avouer, tant ce premier tome excelle à tous les niveaux de responsabilité : scénario, dessins, dialogues et couleurs.

Un long fleuve tranquille


Venons en à l'histoire. Magasin général raconte la vie paisible d'une petite communauté d'habitants : Notre-Dame-des-Lacs, au Québec, dans les années quarante. Le portrait de ce petit village est très agréable et pittoresque. On nous rapporte de multiples profils très diversifiés : le curé casanier, le vieil ermite bourru, l'aveugle vagabond et musicien, le simplet, les trois vieilles grenouilles de bénitier... Malgré la dureté du quotidien et les malheurs de la vie, Magasin général emploie un ton résolument optimiste, enjoué. Pas de brutale accélération, pas d'intrigue torturée, pas de héros, juste un quotidien qui coule, imperturbable, tel un long fleuve tranquille. Cette impression de bonne humeur, de bonheur de vivre est soutenue par des dialogues chargés en expressions, formules et jurons du parler québécois. « Hostie ! », « Maudit niaiseux ! », des échanges qui gonflent encore un peu plus la lecture en sourires. Le désavantage de ce genre de récit paisible et quotidien, c'est qu'il déplait fortement aux lecteurs qui ne supportent pas un album dans lequel « il ne se passe rien de spécial ». Pour apprécier Magasin Général, il ne faut pas forcément être un fan de la Quête de l'oiseau du temps ou de Peter Pan, Loisel changeant ici complètement de registre. D'ailleurs, cet album n'est pas à retenir que sur son seul nom. Comme expliqué en préface, Magasin Général est le produit d'une conjugaison de talents, c'est l'album d'un « auteur virtuel ».


Techniquement parfait, scénaristiquement très ancré dans le quotidien, Magasin général est une incontestable réussite. Deux autres tomes doivent sortir ces prochaines années. A noter, pour les grands fans de ce premier épisode, la sortie de L'arrière boutique du magasin général, détaillant toutes les étapes de la création de l'album.