5/10Lefranc - Tome 19 - Londres en péril

/ Critique - écrit par riffhifi, le 15/07/2008
Notre verdict : 5/10 - Londres jaune (Fiche technique)

Tags : lefranc tome londres martin jacques livres alix

Guy Lefranc, reporter sans peur et sans reproche, part guerroyer contre les nazis en Grande-Bretagne. Pour l'originalité, passez votre chemin. En revanche, les amateurs de classicisme franco-belge sont les bienvenus.

Guy Lefranc, personnage créé il y a plus de cinquante ans par Jacques Martin, est l'équivalent moderne du Gaulois romanisé Alix ou du page moyenâgeux Jhen : blond comme les blés, asexué comme une huître et gentil comme un Bisounours, il combat le mal et se brosse les dents avant d'aller se coucher. Et comme il n'est pas question de voir le personnage vieillir ni de bafouer la cohérence temporelle, Lefranc tournera en rond dans les années 50-60 pour l'éternité. Ce nouvel album est donc situé entre Le maître de l'atome (paru en 2006) et L'ouragan de feu (paru en 1961).

Lefranc se voit inviter à traverser la Manche pour aider la police anglaise à déjouer Et quand il donne une baffe, ça fait
Et quand il donne une baffe,
ça fait "Koudpoin"
les plans criminels de dangereux nazis. Son enquête le mènera de surprise en surprise : une fleur mystérieuse, un orphelin débrouillard, quelques agents doubles...

Soyons honnêtes, ce n'est pas son originalité qui fait de Lefranc un best seller depuis plus de cinq décennies : une louchée de Tintin, un esprit hérité des autres héros de Jacques Martin, et surtout un saupoudrage de clichés inhérents aux récits d'aventures pour la jeunesse, font de lui un archétype tracé à gros traits, prévisible et conventionnel. Dans ce nouvel opus, la parenté la plus ostensible est celle de Blake et Mortimer : un voyage à Londres, un panel de suspects, un style clairement Jacobsien (en plus hâtif, on n'est pas dans la grosse production sur-médiatisée comme les albums officiels des deux Anglais), on se croirait presque dans L'ombre jaune... A défaut de pouvoir rendre un hommage direct à Philip et Francis, les auteurs (André Taymans et Erwin Drèze, car Jacques Martin n'a plus qu'une fonction de conseil depuis longtemps) s'amusent à inviter dans leurs pages quelques Rosbifs célèbres : on reconnaîtra ainsi, sous leurs vrais noms, les Monty Python John Cleese et Michael Palin, les défunts Terry-Thomas et Peter Sellers, ainsi que le plus récemment éclos Ricky En période de misère sexuelle, Guy Lefranc manque de romantisme
En période de misère sexuelle,
Guy Lefranc manque de romantisme
Gervais, héros de la série The office. Sans leur patronyme toutefois, difficile de dire si l'on aurait reconnu ces illustres sujets sous leur pauvre caricature.

L'intrigue ne propose rien que de très prévisible, offrant même la vision d'un commissaire de police d'une bêtise difficilement acceptable (« Je me demande si je n'aurais pas dû lui montrer ce médaillon que portait son agresseur », pitié !). On serait même tenté de dire qu'il ne s'agit que d'un enfilage amorphe de lieux communs fatigués, si la dernière partie ne parvenait à ranimer l'intérêt à l'aide de quelques révélations amusantes et d'un suspense plutôt bien bâti. Pas de quoi révolutionner le monde de la bande dessinée, et encore moins celui du polar ou de l'espionnage, mais l'effort est suffisant pour donner à l'album une qualité supérieure à ce que l'on en attendait. Ajoutons à cela un dessin qui reproduit avec intégrité le côté vieillot que la série a pris soin de préserver, et le résultat s'impose : Londres en péril est aussi résolument désuet que ses 18 prédécesseurs, et il l'assume avec bonhomie. Tant mieux pour Lefranc, qui continuera peut-être durant cinquante ans à avoir 29 ans et à affronter des nazis.