I.R.$. All Watcher - Tome 1 - Antonia
Bande Dessinée / Critique - écrit par athanagor, le 25/07/2009 (Présenté comme un abord neuf de la série, ce premier tome ne laisse voir qu'une suite du tome 10, qui ferait une sérieuse économie du héros phare.
Entre La loge des assassins et Le chemin de Gloria, soit entre le moment où Larry B. bousille une partie du Vatican et le moment où il rentre à L.A., content de ses vacances, il se passe ce qui est décrit dans cette BD. Mais l'intervention du personnage dans cet opus est très restreinte, malgré sa continuelle intention de ramener la couverture à lui et de bien se faire repérer partout où il va. Jugez plutôt : Antonia, jeune fille romaine de 23 ans, est persuadée que sa vie craint alors qu'elle vient encore de tomber amoureuse d'un bellâtre richissime qui ne veut plus lui parler après lui avoir fait son affaire. Pour son anniversaire, son papounet qui lui adresse difficilement la parole l'emmène, comme tous les ans, dans un des restos les plus chers de la ville, qui ne sert malheureusement pas de cheeseburger. Alors que papounet se décide enfin à s'ouvrir à elle, c'est pour lui annoncer, d'une façon plutôt brusque, qu'il n'est pas employé de banque mais tueur à gages pour une bande de gens très riches donc très recommandables. Ce métier, il le tient de son père, qui lui-même le tenait de son père... vous voyez le tableau. Désireux de maintenir la tradition malgré la difficulté que constitue le fait de n'avoir eu qu'une fille, il va tenter de la former à son art, lui assurant que cette capacité coule dans ses veines. Après de difficiles épreuves, pour atteindre un état d'esprit de tueuse, elle découvrira sa première vraie cible : un agent du Fisc américain, qui porte continuellement des costumes assortis à sa couleur de cheveux et à qui elle vient juste
de toucher le frifri. Larry B. est la cible car les commanditaires sont ceux-là même que la chute du banquier Markus Scailes a mis dans la mouise. Antonia devra alors faire un choix entre deux chemins qui orienteront le reste de son existence.
Si Larry B. n'est pas le centre de cette série, cela n'a rien de très grave, sachant que celle-ci, s'il faut en croire les annonces, n'a pas l'intention de s'intéresser à ce personnage. Ce qui est annoncé, c'est une série mêlant de nombreux dessinateurs, de nombreux personnages et de nombreuses intrigues, tournant toutes autour du "All Watcher", sorte de trou noir financier, indétectable, dont on ne sait pas s'il s'agit d'un homme ou d'une organisation, mais qui se met dans la poche un chouia de toutes les transactions financières mondiales quotidiennes. On est donc accroché à l'espoir de voir surgir des aventures intellectuellement passionnantes, avec un suspense intense et ultra crédible dans des histoires impossible à piger si on n'a pas fait formation renforcée en finance internationale. Bref on nous attire en nous promettant du lourd. Et que trouve-t-on : Antonia et son histoire linéaire, en suite de La loge des assassins.
Il est donc assez difficile, même sans être fan du concept I.R.$., qui propose de faire flinguer tout ce qui bouge par un inspecteur des impôts (!), de ne pas être déçu par le gouffre existant entre l'annonce et le résultat. En effet, non seulement l'histoire ne fait aucune mention de All Watcher, si ce n'est à la toute dernière case, mais en plus l'épisode ne s'avère pas particulièrement inspiré. Passé la surprise de la découverte du métier du père et du rapport traditionnel qu'il instaure avec sa fille, on assiste à une banale histoire de magouille sans réelle invention ni véritable événement majeur. Pire, la manifestation de All Watcher, apparemment suscitée par le démantèlement des magouilleurs italiens porte plus à questionnement qu'à autre chose.
Après tout, Larry B., grand bonhomme musclé et bronzé, démantèle des gros bonnets du jour de l'an jusqu'à Noël sans jamais provoquer le courroux d'un super financier, et il suffit qu'une jeune fille de 23 ans y arrive par un gros coup de chance pour que cette entité, dont on cherche à nous effrayer, se réveille et lui promette de lui retourner les ongles dans un futur proche. Du coup, All Watcher, ça a tout l'air d'être une chiffe.
D'ailleurs cette fille, le personnage principal, contribue fortement à la déception et l'ennui diffus qui émanent de l'ouvrage. L'histoire tourne principalement autour d'elle, et on lui colle volontiers une étiquette "sexy" pour accrocher le chaland. Mais se faisant piéger comme une collégienne et n'ayant pas plus de charisme que ses strings, elle n'intéresse pas vraiment. On s'étonne d'ailleurs que Larry B. ne s'esquive avant qu'elle ne se réveille, même à considérer qu'elle lui soit utile pour la finalité de son enquête. Faut-il voir là une tendance machiste des auteurs ou une triste tentative de créer un héros féminin répondant aux modèles téléphonés et sexistes de notre époque ? Toujours est-il qu'Antonia est une cagole un peu limitée, qui dort avec son maquillage et ses petites culottes en dentelles qui, quand elle n'est pas allongée, dépassent de son jean. Cette image est tellement bien imprimée dans l'esprit du lecteur que le stratagème qu'elle parvient à élaborer et à mener à bien à la fin de l'ouvrage, pourtant loin d'être con ni dénué de courage, ne fascine pas, tant on a l'impression qu'elle a copié sur sa voisine de table qui porte des culottes en coton.
Cet album initial, premier volet d'une série pourtant promise comme une suite d'enquêtes tendues et haletantes, avec des rebondissements et des chassés-croisés de magouilles dantesques, s'avère être un coup dans l'eau qui dissuade certainement de se pencher sur les prochains événements. Souhaitons que les tomes suivants soient tout aussi insipides, car il serait dommage de passer à côté d'une grande série, découragé par le tome 1.