8/10La Geste des Chevaliers Dragons - Tome 8 - Le choeur des ténèbres

/ Critique - écrit par athanagor, le 09/06/2009
Notre verdict : 8/10 - Les cailles du Dragon (Fiche technique)

Huitième tome de la série, cet opus se distingue par un traitement plus flou de la logique narrative et une atmosphère sombre, qui lui confèrent une profondeur de lecture inattendue.

En mission dans les colonies d'extraction de l'inoire, Marly jeune
chevalier dragon, vient à la rencontre de Krista, une consœur dont les hauts faits sont connus de tous. Cette grande guerrière s'est établie dans la forêt et gère la mission dont la production d'inoire dépasse toutes les autres. Mais tout ceci n'est pas sans risque, car ces camps se trouvent dans la proximité immédiate de la tanière d'un dragon, et le veill, voile invisible émanant de sa présence, corrompt la nature et les corps, transformant les habitants de la région en créatures hideuses et sauvages. Seule la virginité des chevaliers dragons les protège de l'influence du veill et les dissimule aux sens du dragon. C'est pour cette raison qu'elles sont dépêchées par leur ordre pour exterminer cette race. Justement une expédition a précédé de quelques semaines l'arrivée de Marly et il serait également temps de savoir où en est cette mission.

Nouvelle aventure tissée autour de cette mythologie assez particulière des chevaliers dragons, qui offre généralement à ses auteurs, ANGE, un socle à une réflexion sur des éléments plus vastes que la simple extermination de lézards en zone tempérée. Utilisant les conditions de l'appartenance à cet ordre, les histoires mettent en scène le même
 type de héros : des jeunes filles certes téméraires, mais dont la virginité, thème déjà capable d'orienter le récit, est assurée par leur jeunesse et leur candeur.

Changement de cap dans cet opus, par rapport au tome précédent, concernant le cœur de l'action. Le personnage principal est seul à s'enfoncer avec des civils dans un territoire inhospitalier, sans l'appui de ses sœurs, dont l'expérience s'avérerait pourtant utile dans cette situation. Livrée au monde extérieur et la barbarie des abords du veill, il n'est rien de plus facile que de succomber à l'appel de la chaire au sortir d'un combat, quand l'excitation est à son comble. On ne comprend donc pas très bien pourquoi cette jeune fille peu expérimentée, dont la ressemblance avec Gillian Anderson semble faire écho à un fantasme d'un des auteurs, se promène seule dans cette forêt pour passer en revue les comptoirs, accompagnée seulement du contremaître, de sa nièce et de leur barbouse, aux muscles saillants. Certes, une compagnie de chevaliers est censée être passée il y a peu pour tuer le dragon, mais les monstres provoqués par le veill continuent de prospérer dans la forêt. Cet état de fait finit par faire peu à peu sens au fur et à mesure de l'album, par ce qu'il faut bien avouer être un bon travail des deux scénaristes. ANGE arrivent à équilibrer leur histoire en appuyant beaucoup moins, ou du moins d'une façon plus ambigüe, sur la revendication sociale, manifestée ici par la condition des victimes innocentes du veill, et en soulignant une impression diffuse qui se traduit dans une foule de comportements. Un seul état d'esprit accompagne tout l'ouvrage, et se retrouve suggéré aussi bien dans les comportements de certains que dans l'entièreté de l'aventure. Ce sentiment, la folie, celle née du désespoir, prend
son essor dans les dernières pages et permet une conclusion à l'avenant, s'autorisant comme résolution de toutes les tensions précédentes, une évocation dont la poésie morbide, surprend et émeut.

Le dessin de Fabrice Meddour, plus expressif et moins figé que pour le tome précédent, accompagne assez justement l'intention des auteurs et la noirceur désespérée de la logique d'ensemble. Une belle technique lui permet d'installer une ambiance toute particulière dans cette forêt, grâce notamment à une utilisation assez maîtrisée du trait de gravure, qui permet de créer un contraste entre les personnages et d'accompagner le relief de l'environnement. Malheureusement, Meddour appuie parfois un peu trop sur ce trait, surtout concernant les corps et l'artifice passe alors de beau à bof. L'illustration est complétée par le travail de Paitreau qui, dans les scènes d'action offre, avec ses couleurs, ce tout petit quelque chose de plus qui fait qu'on ravale sa chique.

Pourtant maîtrisé dans son fond et sa forme, cet opus ne jouit pas d'une médiatisation à l'aune de son prédécesseur et c'est plutôt dommage, vu le mérite qui s'en dégage. Arrivant à poser leur réflexion avec plus de subtilité dans une atmosphère que l'on sent inconsciemment désespérée, ANGE expriment ici leur talent, grâce à ce personnage central incertain et donc inquiétant, car censé représenté les valeurs stables de l'autorité. Servi par la dynamique du couple d'illustrateurs, ils proposent un album qui permet à la série de relever la tête.