7.5/10Les chroniques de Légion : "engagez-vous !" qu'ils disaient...

/ Critique - écrit par athanagor, le 07/06/2011
Notre verdict : 7.5/10 - Légion d'albums (Fiche technique)

Tags : france guerre histoire journee monde pere vie

Avec cet album, Nury se donne l’occasion d’inventer une genèse à sa série Je suis Légion, et invite pour l’occasion plusieurs dessinateurs à le rejoindre pour un résultat appétissant.

Si vous n’avez jamais entendu parler de Vlad Tepes Dracula, vous serez plutôt mal barré pour lire cet album avec sérénité. Mais cela serait assez étonnant. En effet, l’histoire personnelle du terrible voïvode, prince de Valachie, a si bien su profiter de la popularité du personnage surnaturel bâti sur son nom, qu’elle est quasiment passée dans la culture générale. A grand renfort de
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références émaillant la pop-culture et de documentaires détaillés, sur les habitudes belliqueuses et les possessions immobilières de l’« empaleur des Carpates », on connaît peu ou proue les détails de sa vie, véritable comme fantasmée.

C’est en se servant de ce savoir commun que Nury parvient, dans cet ouvrage, à faire se succéder plusieurs histoires. Sans ces fondations et l’utilisation habile, juste et équilibrée des petits encarts de texte qui illustrent l’état d’esprit de Vlad et de Radu (pour la petite histoire, son jeune frère qui le chassa du trône en 1462, pour le compte de Mehmed II), cette succession apparaîtrait comme affreusement décousue. Et c’est bien là tout le talent de Fabien Nury qui s’exprime. On passe d’une scène à l’autre sans réelle transition, mais avec toujours, en filigrane, le cheminement des âmes de Vlad et de Radu, se propageant de proche en proche, qui se pose en fil conducteur de l’album. Les situations qu’on nous présente deviennent alors contingentes et ne servent plus qu’à porter les esprits des vampires à travers l’Histoire. On passe donc sans sommation d’un épisode à un autre, mais on aurait aussi bien pu arriver ailleurs, sans que cela nuisent à la BD. Ce qui importe, c’est le voyage des âmes dans les différents corps et la façon dont ces possessions successives sont « vécues ». Il y a d’ailleurs, au-delà de la mise en scène, un réel travail d’écriture sur les états d’esprit. Le verbe transmet la lassitude, le dégoût, l’urgence, voire l’indigence intellectuelle que provoque la fusion de l’âme et du corps d’accueil, presque aussi clairement que si la pensée émanait du lecteur.

Pour suppléer cette narration, les illustrateurs proposent un trait qui joue au même jeu que l’histoire. L’ensemble optant pour une ambiance sombre et un découpage de page similaire, les 4 dessinateurs assurent des transitions souples entre les différents moments, sans chercher à tirer la couverture par des effets trop personnels.
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Le passage du premier au deuxième épisode se fait d’ailleurs sans se rendre compte du changement, tant les deux illustrateurs respectent cette envie de servir le texte avant tout chose. Sombres et violentes, les visions ainsi créées sont irréelles, comme tirées de la mémoire des personnages qui n’ont en tête que les détails des moments les plus significatifs de leurs longues existences.

La très bonne alchimie que propose cette mutli-collaboration, en plus d’assurer une agréable lecture, tient également une promesse qui est bien souvent faite en l’air pour ce genre d’ouvrage. Appuyée sur les personnages de Vlad et Radu Basarab, la BD installe d’emblée le lecteur en terrain connu. Nul besoin donc de s’être tapé la série originale pour apprécier ou comprendre ce qui s’y passe. Ainsi, si des éléments font référence à la série princeps, ils ne sont jamais envisagés comme des rappels, et ne donnent jamais des clés essentielles à la compréhension, que seul le lecteur de la première heure saurait comprendre. Mieux, cet album titille au point de donner envie d’aller voir du côté des premiers. Et ne serait-ce que pour le simple fait d’avoir fait un album prequel, en l’envisageant comme un tome 1 et pas un tome 10, cette BD mérite une réelle attention.