8/10Aspic : la force de l'esprit

/ Critique - écrit par athanagor, le 06/04/2011
Notre verdict : 8/10 - Détournement de lecteurs (Fiche technique)

Tags : aspic detectives huile etrange tome serpent esprit

Conclusion de la première affaire de l’agence Aspic, voire même celle qui en sera à l’origine, ce deuxième tome laisse espérer une longue série d’enquêtes, avec le même dynamisme et le même esprit (sans jeu de mots).

Le génial Dupin ne s’est pas laissé abuser. Hugo Beyle n’est pas qui il prétend être, et c’est sur sa singulière histoire que ce second tome s’ouvre. Découvrant sous ses traits une nouvelle figure de la littérature, venant se greffer à celles déjà présentes, et donnant de plus en plus à cette série les apparences d’un cross-over, on apprend quelques nouveaux éléments d’une enquête qui n’a décidément rien de classique. D’un côté Dupin et son équipe sont toujours à la recherche de Kathy Wuthering, la naine aux ectoplasmes. De l’autre on
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comprend que Maldoror, incarnation brute du mal, n’est pas enchanté par ce rapt, évènement survenu sur son territoire (Paris, puis le monde) sans en avoir été informé. Tout ça sent la concurrence à plein nez, et la concurrence, ce n’est pas bon pour les affaires.

C’est un peu paumé qu’on reprend le fil de cette aventure policière ésotérique, qui mêle avec une certaine malice des personnages de différents styles littéraires, qui n’ont en commun que la période à laquelle se déroulent les évènements. Encore que là nous n’y soyons pas complètement, Dupin et Beyle (enfin, sa véritable identité) étant plus de la génération 1830. Mais ne nous inquiétons pas, il ne s’agit pas d’une erreur de Thierry Gloris, mais plutôt d’un moyen de faire rentrer plus de monde dans la farandole. Bref, on reprend vite le fil et avec énormément de plaisir. Surfant toujours sur ce mélange d’enquête scientifique à grand renfort de déductions, au service de la résolution de crimes perpétrés par des fantômes, les auteurs offrent un divertissement calculé. Les enchaînements sonnent juste, les motivations des personnages sont crédibles et malgré le surnaturel, l’ensemble jouit d’une grande cohérence. Tout ça sans oublier une touche d’humour un peu décalée qui transforme, par exemple, le début de la visite de l’asile d’aliénés en un passage digne du Flying Circus.

En plus d’un scénario habilement mené, le dessin de Jacques Lamontagne accompagne
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grandement l’impression positive qui se précise de page en page. Bien plus expressif que dans des réalisations plus sérieuses où on est généralement habitué à le voir officier, il montre là une facette insoupçonnée de son talent. Avec un rien de fantaisie qui fait toute la différence, impulsée par le thème et les détails de l’histoire, il lâche même à l’occasion quelques cases à la limite du moche. Celles-ci, loin d’être rédhibitoires, renforceront l’impression de folie contrôlée dans laquelle tout le flegme des personnages se débat, et le rendu général n’en sera que plus appréciable.

Carton plein avec ce second tome, terminant la première enquête d’une série qu’on souhaite voir se perpétuer, et toujours sous cette forme de diptyques envisagée par les auteurs. Cette première affaire se termine néanmoins sur une drôle d’impression : la conclusion affirme que la paire Vernet–Beyle est bien l’épicentre de l’ouvrage. Pourtant, c’est bien la figure de Dupin qui focalise toutes les attentions, et ce dans les deux tomes, reléguant les jeunes gens au rang de protagonistes d’une intrigue secondaire. On pourra au choix y voir soit une exploitation maladroite des rôles de chacun, soit une réelle capacité des auteurs à donner du fond à leur personnage. Quoi de plus normal, alors, que le mentor de Vernet soit celui vers lequel on se tourne le plus souvent.

Interview des auteurs :