Alix Senator : interview de Valérie Mangin

/ Interview - écrit par Guillom, le 12/02/2013

Tags : alix senator mangin valerie jacques tome martin

Que celui qui n’a jamais lu une seule BD d’Alix, la saga de Jacques Martin (non ce n’est pas l’auteur de Game of Thrones), se lève ! Les aventures du Romain blondinet et de son Égyptien de copain continuent. Effet voyage dans le temps garanti. Alix a pris un sacré coup de vieux sous le crayon de Thierry Demarez. Valérie Mangin, la scénariste de cette nouvelle série, a répondu à nos questions.

Comment est venue l’idée de reprendre le personnage et l’univers d’Alix ?

En fait j’ai jamais eu l’idée de reprendre une série et encore moins Alix qui était la grande série de mon enfance, donc un peu un mythe intouchable pour moi. Mais un jour, en déjeunant avec Reynold Leclerc, qui est éditeur chez Casterman et un vieil ami libraire, il a commencé à me parler de ce que faisait Casterman, des séries historiques et d’Alix, et il m’a demandé si on n’avait pas des idées pour reprendre Alix ou élargir l’univers. Je suis un peu tombée des nues mais ça m’a beaucoup excitée tout de suite et donc après en rentrant de Belgique, en faisant le trajet Bruxelles-Bayeux, on a beaucoup discuté mon mari et moi... et à la fin du trajet on avait l’idée d’Alix Sénator et j’avais réalisé qu’on n’avait pas grand-chose à apporter à la série Alix classique donc qu’il fallait la renouveler de cette manière. C’est venu comme ça, un peu par hasard.


Alix Senator

Quelles sont les difficultés lorsqu’on veut reprendre une série telle que Alix ?

Ce qui est compliqué, c’est de renouveler une série, d’y apporter vraiment sa personnalité d’auteur parce que c’est la chose intéressante qu’on peut y apporter et en même temps respecter l’esprit des origines. J’ai vraiment adoré Alix quand je l’ai lu à l’adolescence. Je voulais vraiment faire un Alix, pas faire du Jacques Martin tout en faisant un Alix, ça c’est vraiment compliqué. Au niveau du scénario je voulais faire une BD grand public de qualité, et éviter une BD à clés comme j’aime en faire de temps en temps ou conceptuelle, trop compliquée en fait, tout en étant intéressant je crois que ça n’empêche pas et de rentrer dans la civilisation et de faire une aventure originale. C’est vrai que c’est un équilibre qui n’est pas forcément facile à garder. Pour le dessin, je crois que la grande difficulté pour Thierry ça a été de recréer cette Rome antique finalement, tous ces décors sans que ce soit lourd, pesant et ennuyeux. Et ensuite ce dont on a le plus parlé c’est peut-être de faire vieillir Alix justement. Imaginer un personnage avec 50 ans de plus… Il y a eu des essais assez cocasses parfois : on a fait un Alix bedonnant au début, un Alix chauve… C’était plus vraiment lui en fait. Finalement il est resté svelte et actif. En fait pour vieillir Alix, on a fait en sorte qu’il reste fidèle à lui-même donc ça exclut le genre de changements dont on vient de parler, parce que Alix sans brushing ce n’est plus Alix. Et ensuite j’ai pris comme modèle César et Auguste, qui arrivaient à cet âge là à rester sveltes et sportifs, surtout César. On dit même qu’à 52 ans, il traversait encore le port d’Alexandrie à la nage et on a gardé de lui ses portraits où il est encore vraiment très maigre, très sec. Et je me suis dit qu’Alix appartenant au même milieu social avait dû grandir un peu de la même manière. Donc on l’a gardé comme ça. Mais c’est vrai que ça en fait un homme très bien conservé, un peu le Georges Clooney de l’Antiquité.

Pourquoi vieux et sénateur ?

D’abord je crois que l’Alix classique continuait très bien son nid et donc je ne me voyais pas encore en faire un autre, après Alix a entre 16 et 20 ans dans la série classique donc le rajeunir c’était un peu difficile, ça aurait fait un bébé Alix pas très intéressant. Donc il fallait le vieillir. Alors après j’ai essayé de réfléchir aux périodes qui m’intéressaient dans l’histoire romaine et je me suis dit que les débuts de l’Empire avec un Auguste puissant c’était très intéressant. En plus ça nous faisait un Alix qui avait entre 50-55 ans donc un homme mûr, totalement différent du héros créé par Jacques Martin et en même temps en restant lui-même. Et ensuite j’ai essayé de réfléchir à son destin, au fait qu’il était l’ami de César, qu’il allait certainement toujours le suivre et qu’ensuite il allait devenir l’ami d’Auguste, qu’il allait être loyal et fidèle puisque c’était son caractère et donc qu’Auguste allait finir par le récompenser et comment récompensait-on un ami fidèle à l’époque, en le faisant sénateur.


Alix Senator

Comment expliquez-vous qu’Alix ait des enfants ?

Il a fait comme tous les Romains. Il faut dire qu’à l’époque la question de la natalité était très importante et Auguste a promulgué des lois comme quoi quand on n’était pas marié entre 15 et 60 ans pour un homme, je crois, on payait des amendes très élevées. Donc le mariage était une obligation et avoir des enfants aussi. Si on n'avait pas deux enfants c’était très grave socialement. En plus en tant que sénateur il fallait avoir un héritier pour ses biens, son nom, son titre, c’était un peu une obligation morale et financière d’avoir des descendants. Donc Alix s’est conformé au modèle social. Il a sans doute aimé une femme avec qui il a eu des enfants, mais ça…

Flashbacks en prévision ?

Oui ! Je connais les grandes étapes de la vie d’Alix, je sais qui est la mère des enfants, ce qui lui est arrivé, leur histoire à tous les deux. On voit qu’Enak a disparu dans le tome 1, je sais précisément ce qui lui est arrivé, pourquoi Alix a accepté de devenir sénateur. J’expliquerai ça au fur et à mesure des tomes. Je connais les grandes étapes et les points clés des aventures d’Alix depuis le moment où s’arrête la série de Jacques Martin. Ce qu’il a forgé tel qu’il est. Il y a un gros travail de recherche derrière, au niveau de l’Antiquité, parce que je voulais un arrière plan vraiment réaliste et pour ça il fallait vraiment être aussi exact que possible. Ça n’exclut pas qu’il y ait des erreurs parce que c’est vraiment compliqué, vu que malgré tout, on ne connais pas chaque détail sur Auguste et la Rome de son époque. Thierry a aussi fait un gros travail de recherche, tout est documenté au maximum je pense, y compris les serrures de portes et les laçages des chaussures. On a fait tout ce qu’on a pu en tout cas.

La suite ?

La suite paraîtra le 11 septembre 2013. Elle s’appellera Le Dernier Pharaon et on suppose qu’Alix va aller en Égypte. Je ne vais pas dire pourquoi pour ne pas gâcher la fin du premier tome.