7.5/10Vinci - Tome 1 - L'ange brisé

/ Critique - écrit par athanagor, le 22/10/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Tu vas voir ta gueule ! (Fiche technique)

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Dans cette enquête en pleine renaissance italienne, Convard et Chaillet mettent en scène Léonard de Vinci, et malgré un style trop proche de Lefranc pour être aisément supportable, l'intrigue s'avère vraiment prenante.

A la mort de Léonard de Vinci en 1519, François Ier, son mécène et protecteur, se rend à l'Abbaye de Vauluisant pour honorer une promesse qu'il a faite au maître : cacher dans le secret des murs abbatiaux, à l'abri du temps et du regard des hommes, son dernier tableau qui, à en croire ceux qui le contemplent, ne peut être que l'œuvre d'C'est un peu surfait Milan
C'est un peu surfait Milan
un esprit malade. Conscient de la valeur de testament de ce tableau et devant l'insistance de l'Abbé Antoine, qui devra désormais veiller sur ce dernier, le Roi accepte de lui relater cette période de la vie de l'artiste qui l'a poussé à créer cette horreur. Remontant à la première guerre d'Italie, en plein cœur de la ville de Milan, baignée dans l'hiver 1494, il commence l'histoire de cet assassin effroyable, dont les apparitions glacèrent d'effroi les rares témoins de ses crimes, alors qu'il s'attaquait à ses victimes pour leur voler leurs visages.

Passons tout de suite en revue les aspects négatifs, concentrés essentiellement sur le dessin, et malheureusement issus de la subjectivité du lecteur à l'égard du style. Gilles Chaillet est le monsieur qui dessine Lefranc depuis 1977 (aussi dessinateur invité sur le premier tome du Triangle secret, déjà avec Convard, il a également dessiné la série « Rome » de Les voyages d'Alix). Son dessin très détaillé est certes impressionnant concernant les immeubles et monuments milanais, malheureusement, si on ne pouvait se passer d'un tel coup de crayon pour l'ambiance et la représentation de la ville, ce style de dessin perd en vie ce qu'il distribue en détails, et le tout s'en trouve très figé. De plus, le fait d'appuyer trop sur les détails finit par pourrir certaines cases, où tenter de faire ressembler un dessin à lMais à qui sont ces mains ?
Mais à qui sont ces mains ?
a réalité se perd dans une position fausse et ridicule des protagonistes. L'illustration, surtout en BD, ce n'est ni de la peinture et encore moins de la photo, et ceux qui tentent d'en faire un pendant de ces médias finissent souvent par déraper. Le seul vrai bonus de cette façon de faire, c'est qu'on finit par avoir froid par compassion pour ces personnages qui évoluent dans l'hiver milanais, vêtus le plus souvent d'un collant, mais surtout grâce à la représentation, encore une fois, des immeubles sous la neige.
Petit bémol également sur la distribution des cases parfois à cheval sur les deux pages, ce qui a tendance à rompre le rythme de lecture. De plus ces dispositions ne surviennent qu'au début de l'album (la dernière se trouve page 25 et l'avant-dernière page 7) et cessent quand on a enfin appris à les appréhender, ne constituant donc pas un genre propre à la narration particulière de cet ouvrage, mais bien une bonne idée abandonnée en cours de route, qui s'avère au final plus gênante qu'intéressante.

Ceci dit concentrons nous sur le positif : une chose est sûr, Didier Convard a un sacré métier et ce n'est pas un mauvais quand il s'agit de ficeler une histoire, et pour le coup, malgré le foisonnement de texte, il nous accroche à fond. Cette histoire assez bien manigancée, contée par François Ier, se voit offrir le prélude de ce tableau qu'on ne voit pas et qui est censé coller la chair de poule, donnant d'emblée une forte dose de curiosité insatisfaite au lecteur. Puis, comme dans un roman policier des grands jours, une enquête se met en branle, où les personnages prennent de plus en plus d'intérêt, au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue. Le premier du genre est le prévôt Vittore, en charge de l'enquête sur ces meurtres mystérieux, qui ne croit pas une seule seconde au monstre qu'on lui déMais... c'est Nanar !
Mais... c'est Nanar !
crit comme ayant perpétré ces meurtres. Investi de la personnalité de tout bon limier des meilleurs romans policiers, taciturne, observateur et un brin manipulateur, il bénéficie en plus de l'œil affuté du vieux briscard à qui on ne la fait pas, en mettant le doigt sur des indices que même les experts ratent lamentablement.
Léonard, quant à lui, est présenté au tout début comme un intervenant extérieur à l'intrigue, sollicité par le prévôt pour son œil neuf sur la situation et ses connaissances en anatomie lors de l'autopsie. On imagine alors qu'il va prendre de plus en plus d'importance dans la résolution de l'enquête, mais en fait d'enquêteur, ce personnage dévoile une part d'ombre qui le fait ressembler de plus en plus au coupable idéal. Loin de nous détromper, Convard appuie là où ça doute pour nous inciter à voir le maître comme tel. De plus son entourage et les attitudes de ses membres semblent d'emblée fournir le mobile et une explication simple à l'ensemble, pour peu qu'on ait un peu suivi. Malgré tout, quelque chose cloche et on a du mal à tomber dans la croyance aveugle de cette possibilité, et le jugement de l'homme sage qui en a assez de passer pour un blaireau crédule se suspend.

Bref si on avait affaire à une BD de seconde zone, on ne se creuserait pas la tête deux minutes pour savoir de quoi il retourne, et on la fermerait pour aller regarder la télé sans plus s'en inquiéter. Au contraire, dans le cas présent, on a envie de prendre des paris sur le coupable, sur ses motivations et sur la conclusion de l'affaire. Et puis c'est quoi ce tableau qu'on veut pas nous montrer ! En clair, on est impatient de voir les autres tomes pour vérifier nos hypothèses, ce qui, en dehors de tout ce qui a été écrit au dessus, en dit pas mal sur l'ouvrage en présence.