Flash : plus rapide que la lumière

/ Dossier - écrit par riffhifi, le 16/02/2011

Flash : un seul surnom pour plusieurs individus, dont la caractéristique commune est de pouvoir courir à une vitesse surhumaine. Retracer 70 ans d'une généalogie disséminée dans le temps et entre les dimensions est un défi corsé.

Un « flash », en français, désigne à la fois l'accessoire d'appareil photo qui émet un bref éclair lumineux, et d'autres évènements rapides ou instantanés comme l'arrivée d'une information télévisée, ou l'irruption d'une idée soudaine dans le cerveau ; le verbe « flasher » signifie « avoir un coup de foudre ». En anglais, langue d'origine du
1940
mot, il désigne directement un éclair, et son utilisation s'étend à toutes sortes d'actions rapides, y compris le fait d'exhiber rapidement ses parties intimes.
Le personnage est souvent mal connu, et mélangé dans l'esprit des profanes avec son quasi-homonyme Flash Gordon, la faute à une chanson de Queen consacrée à ce dernier : « Flash! Ohooh, saviour of the universe!... » Le rythme et les paroles auraient pourtant mieux convenu au Flash qui nous occupe ici. Ou plutôt, "aux" Flash qui nous occupent ici...

Surnommé en anglais The Scarlet Speedster, un sobriquet difficilement traduisible puisque « speedster » signifie chez nous « chauffard » ou « fou du volant », le héros peut être désigné comme un « sprinter écarlate », avec un peu d'imagination... Interrogé à propos du personnage, qu'il scénarise à partir de la fin des années 90, Mark Waid explique : « Personne ne se réveille le matin en disant “Hey, j'aimerais pouvoir lancer des rayons laser par les mains. En revanche, tout le monde sait ce que ça fait de rater le bus. Je pense que c'est la raison pour laquelle le pouvoir de Flash est si cool. C'est quelque chose, comme le fait de voler, auquel n'importe qui, amateur de comics ou pas, peut adhérer. »

1940-1949 : Jay Garrick et son casque ailé

Contrairement à ses prédécesseurs Superman et Batman, respectivement créés dans Action Comics et Detective Comics, Flash est directement le héros d'un magazine à son nom, sous l'égide du scénariste Gardner Fox et du dessinateur Harry Lampert ; la couverture du premier numéro daté de janvier 1940, dans lequel le personnage de Hawkman apparaît lui aussi pour la première fois, est de Sheldon Moldoff. Les lecteurs font la connaissance de Jay Garrick, un jeune étudiant en sciences de Keystone City, exposé par accident à de dangereuses vapeurs d'eau lourde... Il en tire la capacité de courir à une vitesse démesurée, et décide de s'affubler d'un casque que n'aurait pas renié le dieu Mercure.

Le personnage est si populaire que le magazine principal est bientôt accompagné d'un autre appelé All-Flash. Dès la fin de l'année, le héros intègre la Justice Society
1947
of America, le tout premier crossover de l'histoire des comics, qui servira de matrice à la Justice League des années 50. Il y est associé à Green Lantern, Doctor Fate, Hawkman... un bon moyen pour DC Comics de décupler ses ventes. Le concept du coureur surhumain fait école rapidement : les personnages de Johnny Quick et Quicksilver plagient Flash sans vergogne dès 1941. Tous deux disparaîtront et réapparaîtront dans l'univers DC par la suite, sans jamais égaler le prestige de leur modèle.

Au cours des années 40, Flash se constitue une première galerie de bad guys, bien que ses adversaires restent la plupart du temps de simples escrocs. Il faudra attendre les années 60 pour que la pègre prenne une couleur aussi pittoresque que celle de Batman. En attendant, on voit apparaître les dénommés Shade (en septembre 1942), The Eel (1943), Thinker (1943) et Fiddler (janvier 1948), autant de “sous-vilains” qui ne marquent pas autant les esprits qu'un Joker ou un Pingouin. En 1942, sacrifiant à une mode déplorable, DC Comics adjoint à Flash un trio de comiques lourds destinés à apporter un peu de gaieté au milieu des intrigues ; appelés Winky, Blinky et Noddy, ils se feront heureusement assez rares.

Après la Seconde Guerre Mondiale, comme comme bon nombre de ses collègues, Flash subit un désintérêt des lecteurs, et doit prendre sa retraite. En 1949, Flash Comics s'arrête au numéro 104, dessiné par Carmine Infantino... qui sera un des plus grands artisans du renouveau du personnage dans les années 60.

1956-1986 : Barry Allen cimente le mythe

Après une période creuse de quelques années, la bande dessinée super-héroïque connaît un regain de popularité, amorçant une période que l'on appellera plus tard l'Âge d'Argent (par opposition à l'Âge d'Or des années 40). Flash, une nouvelle fois, est plus rapide que les petits copains : à l'exception de Superman et Batman, qui n'ont jamais disparu, il est le premier nom à refaire surface. Sous la plume des scénaristes Robert Kanigher et John Broome, et le crayon magique de Carmine Infantino qui l'animera tout au long des années 60 (il sera également un artisan de renouveau pour Batman), Barry Allen s'impose comme le nouveau Flash : membre de la police scientifique de Central City, il est victime d'un accident dans son laboratoire, qui le dote de pouvoirs similaires à ceux du premier Flash, dont il lit les aventures en bande dessinée. Troquant le casque contre une cagoule rouge, il conserve de petites ailettes très seyantes sur les tempes. L'heure est à la surenchère, aux gadgets et à la fantaisie, on voit donc Barry camoufler son costume dans une bague (oui, vous avez bien lu : une bague – et il n'est même pas froissé), et sa vitesse lui permet de traverser les murs en faisant « vibrer ses molécules » (essayez donc, et envoyez-nous la vidéo de l'expérience).

En décembre 1959, Wally West, le neveu par alliance de Barry Allen, est victime d'un accident similaire à celui du tonton, et devient son sidekick Kid Flash (et non Speedy, qui malgré son nom trompeur est celui de Green Arrow). Affubler un héros
1968
d'un jeune assistant était pourtant un choix délicat, cinq ans à peine après le tollé suscité par le livre Seduction of the Innocent, où les relations de Batman et Robin étaient dénoncées comme douteuses. Kid Flash, d'abord attifé d'un costume identique à celui de son mentor (ce qui rendait certaines scènes bien difficiles à comprendre, d'autant que tous deux sont « démultipliés » par les dessinateurs pour signifier leur vélocité), se voit ensuite offrir un uniforme jaune poussin qui laisse s'épanouir ses cheveux. Avec Robin et Aqualad (le sidekick d'Aquaman, l'eussiez-vous cru ?), il formera un groupe de super-héros adolescents appelé Teen Titans à partir de 1964.

En février 1960, Flash fait logiquement partie des membres fondateurs de la Justice League, un groupe de super-héros construit sur le modèle de la Justice Society. Faisant équipe avec Green Lantern, le Martian Manhunter, Aquaman, Superman, Batman et Wonder Woman, il est l'un des seuls à ne pas arborer le mot "man" dans son nom de scène. Et rien que ça, c'est la classe.

En 1961, dans Flash 123, Jay Garrick et Barry Allen se rencontrent dans une aventure inter-dimensionnelle, ouvrant ainsi la voie au développement d'un multivers DC complexe. On y apprend que les personnages de l'Âge d'Argent évoluent sur « Terre I », tandis que ceux de l'Âge d'Or habitaient un monde parallèle appelé « Terre II » ; les deuxièmes (forcément plus vieux) auraient inspirés des bandes dessinées sur la Terre des premiers (la nôtre, ou du moins celle des lecteurs de l'époque). Vous suivez ? Tant mieux, parce que c'est la base de l'univers DC tel qu'il se présente à partir des années 60 (et c'est Flash, encore une fois, qui a ouvert la voie). C'est après que ça se complique.

La galerie de vilains s'étoffe largement en quelques années : Captain Cold en juin 1957, le Maître des Miroirs en mars 1959, Gorilla Grodd en avril 1959 (un singe devenu télépathe suite au passage de quelques extraterrestres irresponsables), le Weather Wizard en décembre 1959, le Trickster (le Charlatan) en juin 1960 (un ersatz du Joker), Captain Boomerang en décembre 1960, professeur Zoom en septembre 1963, Heat Wave en novembre 1963 et puis... plus rien. Les méchants apparus au cours des vingt années suivantes, bien que certains aient été amenés à revenir plusieurs fois, n'ont pas marqué l'histoire de Flash de leur empreinte. On note qu'une bonne partie des ennemis du héros sont spécialisés dans le contrôle de la météo ; à défaut de maîtriser le temps qui passe comme Flash, ils maîtrisent le temps qu'il fait...

La première apparition du personnage à l'écran date de 1973, dans la série animée pour enfants Super-Friends qui sera produite jusqu'en 1983 ; les véritables stars en sont Superman, Batman et Wonder Woman, les autres membres de la Justice League n'apparaissant qu'irrégulièrement.

En 1978, le personnage de Johnny Quick, oublié depuis les années 40, est réintroduit dans The Flash Spectacular. Reporter-photographe sous le nom civil de Johnny Chambers, le bonhomme parvient à courir aussi vite que Flash lorsqu'il récite une
1986 : la crise !
certaine formule mathématique... En 1992, sa fille Jesse Chambers prendra sa relève, et portera même fugitivement le nom de Flash. Parce que la rapidité, comme on s'apprête à le voir, c'est fichtrement héréditaire !

En 1986, au terme de trente ans de bons et loyaux services, Barry Allen est sacrifié par DC Comics sur l'autel de la révolution : le méga-crossover Crisis on Infinite Earths, destiné à débarrasser le lectorat des histoires de Terres parallèles qui leur compliquent la comprenette, voit la mort de plusieurs héros emblématiques de l'éditeur. Supergirl fait également partie des victimes du massacre, et plusieurs personnages présents dans différentes réalités fusionnent pour ne plus former qu'un seul individu. Cette tentative de simplification résultera dans un bordel cent fois pire, et deux crossovers continueront plus tard le chantier engagé : Infinite Crisis en 2005-2006, et Final Crisis en 2008-2009. Mais revenons en 1986 : juste avant de mourir, Barry Allen a eu le temps de faire un tour au 30e siècle avec sa femme Iris, et le couple a donné naissance aux jumeaux Don et Dawn. Elevés dans le futur, ils développeront des pouvoirs de vitesse et seront connus sous le nom de Tornado Twins. Ne plastifiez pas l'arbre généalogique, ce n'est pas fini !

1986-2006 : Wally West prend la relève

Après la mort de Barry Allen en 1986, Wally West reprend le nom et le costume de Flash. Après tout, c'est le rôle d'un sidekick, non ? Mais de même qu'il est toujours difficile pour un fils de reprendre l'entreprise de Papa, le sidekick a du mal à asseoir sa popularité auprès des lecteurs : en vingt ans de présence sous le costume de Flash, Wally ne sera jamais qu'un ex-disciple, affrontant de pâles copies des ennemis de son ancien mentor. Un nouveau Mirror Master, un Kid Zoom, un nouveau Trickster... bonjour l'imagination ! Pas étonnant qu'en 1990, lorsqu'une série télé live est enfin consacrée au personnage, ce soit sous sa version Barry Allen ! Joué par John Wesley Shipp (le futur papa de Dawson), celui-ci intègre cependant quelques caractéristiques de Wally West (notamment sa relation avec la scientifique Tina
La série TV (1990-1991)
McGee), et on retrouve autour de lui bon nombre de personnages de la BD, parfois sous forme de simple allusion (le frère de Barry s'appelle Jay, l'une des rues de la ville s'appelle Garrick Avenue...). Le Trickster, un des ennemis les plus emblématiques de Flash, est incarné par Mark Hamill dans deux épisodes (coïncidence ? Hamill sera également la voix du Joker dans sa version animée). La série fait appel à l'auteur de comics Howard Chaykin pour certains épisodes, et les auteurs-producteurs Danny Bilson et Paul de Meo deviendront eux-mêmes scénaristes sur la bande dessinée une dizaine d'années plus tard.
Fortement influencée par le Batman de Tim Burton qui venait de faire un carton au cinéma, la série lui emprunte le compositeur Danny Elfman et un look dark déco d'assez bonne facture. Il n'y eut malheureusement qu'une seule saison.

En 1992, Wally rencontre la Jesse Chambers dont on parlait précédemment, et fait d'elle sa partenaire (dans sa lutte contre le crime, quoi d'autre ?) pendant quelques temps. En 1993, Flash fait également la connaissance d'un personnage appelé Max Mercury, dont l'origine est à chercher dans un comic de 1940 où il était appelé Quicksilver (à ne pas confondre avec celui de Marvel). Max est lui aussi un rapido, et apprécie particulièrement le voyage dans le temps.

En juin 1994, Bart Allen fait sa première apparition : fils de Don Allen (voius vous souvenez ?), il naît au 30ème siècle où vivent son papa et sa tante. Affecté d'un métabolisme qui le fait grandir trop vite, il arrive dans le présent (les années 1990, mais tout est relatif) et devient le sidekick turbulent de Flash sous le nom d'Impulse. Dès avril 1995, il gagne son propre magazine ; fin 2003, Bart prend du galon et se fait désormais appeler "Kid Flash". Près de dix ans pour devenir un sous-fifre officiel, il y a de quoi rager.

En 1994 également, on nous présente Jenni Ognats, une autre petite-fille de Barry Allen (ce qui fait d'elle la cousine de Bart Allen – prenez des notes !). Elle développe son pouvoir de rapidité, comme tout le monde dans la famille... mais elle n'existe que dans le futur, car contrairement à Bart, elle n'a pas grandi à une vitesse anormale. Dans la famille West, on peut également citer Iris (apparue en 1996), la fille de Wally dans un monde alternatif (où il n'a donc pas épousé "son" Iris West mais une autre femme appelée Linda Park). Cette Iris-ci devient Flash à son tour, mais dans son monde alternatif où nous la laisserons pour ne pas compliquer davantage un sujet qui l'est déjà pas mal. En 1997, on croise aussi Blaine Allen, le
2001
Flash du 28ème siècle, et son fils Jace qui prend sa suite.

En 1999, on apprend l'existence de Tanaka Rei, Flash sur une autre Terre parallèle, qui n'entretient apparemment aucun lien de parenté avec les West ni les Allen. On ne parlera même pas de Lia Nelson, qui est la Flash d'une Terre tangente (oui oui, tangente, parce que les Terres parallèles c'est déjà has-been).

En 1997, Flash est sur le point d'être à nouveau le héros d'une série télé, en tant que membre de la Justice League. Malheureusement, le pilote est effroyable, réalisé sur un budget de misère, et ne génère pas la mise en chantier de la série. C'est un Barry Allen chômeur qui portait le costume de Flash, sous les traits de l'inconnu Kenny Johnston. En revanche, la Ligue des Justiciers prend forme de façon convaincante dans un dessin animé produit de 2001 à 2006 ; Wally West en est un des membres principaux, et a la voix de Michael Rosenbaum (qui joue simultanément Lex Luthor dans Smallville).

En 2001, dans la collection Just Imagine's Stan Lee's ..., le gourou de Marvel réinvente les personnages majeurs de DC Comics. Sa version de Flash est une femme appelée Mary Maxwell, et ne fait pas plus de bruit que les autres déclinaisons un peu stériles auquel se livre 'The Man', déjà lâché par l'inspiration depuis plusieurs décennies.

En 2002, dans Arrête-moi si tu peux de Steven Spielberg, le personnage de Leonardo DiCaprio se fait appeler Barry Allen ; l'action se situe dans les années 60, le film reflète ainsi la popularité du personnage à l'époque. En 2004, dans la quatrième saison de la série Smallville, Bart Allen fait son apparition, interprété par Kyle Gallner ; il reviendra à plusieurs reprises, adoptant le surnom Impulse. De 2003 à 2006, la série animée Teen Titans dédaigne elle aussi l'opportunité de mettre Wally West en vedette, ne lui offrant que deux apparitions sur la soixantaine d'épisodes produits.

2006-2010 : Le règne-éclair de Bart Allen, et le retour en arrière

En 2006, au cours du crossover Infinite Crisis, Wally et sa famille plaquent tout pour partir vivre dans une réalité parallèle. Près de douze ans après son apparition, Bart Allen devient donc enfin le Flash officiel (grâce au prestige que lui apporte sa présence dans Smallville ?).


2007
Mais en 2008, après avoir joui pendant à peine deux ans de son statut de star, il meurt bêtement et cède ainsi la place à son prédécesseur Wally West, revenu de voyage. La même année, il est ressuscité pour redevenir simplement... Kid Flash. La lose, quoi. Quant à sa cousine Iris (la fille de Wally, qui a donc baptisé sa fille du nom de sa tante), elle devient la nouvelle incarnation d'Impulse. A ce stade du dossier, vous avez probablement déjà vidé votre boîte d'aspirine. Mais 2009 est surtout l'année du retour de Barry Allen, extrait de sa tombe par des scénaristes conscients que, même après plus de vingt ans d'absence, son nom était toujours plus fermement associé au personnage de Flash que ceux de ses successeurs. Désormais, c'est donc à nouveau lui (fusionné avec Wally West, mais ne rentrons pas dans les détails qui n'intéressent que les experts en biologie moléculaire aggravée) qui arpente les pages des parutions DC Comics dans sa combinaison rouge et or. Depuis juin 2010, il est le héros d'un nouveau magazine, à nouveau appelé Flash, mais dont la numérotation a repris au numéro 1.

Dans la série animée Young Justice, lancée fin 2010, Wally West joue le jeune Kid Flash, supervisé par Barry Allen... Comme dans les années 60 à 80 ! Les adaptations ont toujours eu du mal à être synchrones avec la réalité fluctuante de la version papier... Bien qu'il soit régulièrement annoncé, le film consacré à Flash se fait attendre depuis de longues années, et s'est déjà fait doubler chez DC / Warner par plusieurs Batman, un Superman et un Green Lantern. Toujours en projet, peut-être scénarisé par Geoff Johns qui l'a longtemps animé en BD, Flash devrait enfin débouler sur les écrans de cinéma en 2013. On ignore qui l'incarnera, et qui réalisera le projet.

Flash : plus rapide que la lumière