6.5/10L'Encre du passé

/ Critique - écrit par riffhifi, le 19/07/2009
Notre verdict : 6.5/10 - Encre de Japon (Fiche technique)

Un voyage initiatique dans le Japon médiéval, placé sous le signe de la calligraphie. Tout en réserve et en non-dits, l'album intéressera probablement surtout les inconditionnels de culture nippone.

Nous sommes au Japon, à une époque où Naruto et les iPhone n'existent pas encore. Môhitsu Hideo est un calligraphe itinérant, qui trempe son pinceau dans chaque ville qu'il rencontre et ne jette jamais l'ancre. En revanche, il jette l'encre sur le papier comme personne, et parvient à apaiser l'animosité des querelleurs par un simple kanji tracé sur le sol à l'aide d'un bâton. Lorsqu'il rencontre Atsuko, fille
de teinturière douée d'un talent certain pour la peinture, il décide de tout faire pour l'aider à utiliser ce don et entreprend de lui enseigner sa discipline sur la route d'Edo, capitale des artistes...

Passé la couverture toute simple mais au puissant pouvoir d'évocation, qui représente Môhitsu-san prostré devant un encrier dont le contenu est répandu en un large nuage noir, la bande dessinée s'avère d'un classicisme et d'une retenue qui sont à la fois d'une appréciable élégance et un frein à son impact : l'émotion et la poésie qui pourraient y percer peinent à se frayer un chemin dans la narration trop sobre, qui s'interdit gros plans (sauf vers la fin), visions oniriques, angles inédits et colorisation trop agressive. Ces choix graphiques sont en harmonie avec le scénario, qui met en scène des personnages également murés dans leur réserve, à la mode japonaise, laissant tout juste échapper une larmichette lorsqu'ils sont certains que personne ne les regarde. La fascination que cette culture exerce sur bon nombre d'Occidentaux sera probablement perpétuée par ce récit d'initiation, ses décors médiévaux
joliment esquissés et le côté zen de son ambiance.

L'encre du passé s'adresse donc à un public nipponophile, mais pas forcément amateur de manga : le scénariste Antoine Bauza (auteur du livre Les mille origamis du seigneur Kimotama) et le dessinateur Maël (Les rêves de Milton, Dans la colonie pénitentiaire) ne tentent pas d'émuler la bande dessinée telle qu'elle se pratique au pays du Soleil Levant, trouvant avec talent leur propre mode d'expression. Même le spécialiste de la calligraphie appelé en renfort sur le tracé des kanjis (dans un souci louable de représentation exacte) est un maître non-Japonais appelé Pascal Krieger.

Calme et sincère, cette nouvelle parution de la collection Aire Libre ne convaincra sans doute qu'un public assez ciblé, faute de donner un réel souffle à son histoire, où les sentiments trop étouffés ne transparaissent finalement que très peu.