5/10Destins - Tome 4 - Paranoïa

/ Critique - écrit par athanagor, le 10/09/2010
Notre verdict : 5/10 - L'écrit d'une victime (Fiche technique)

Tags : tome destins giroud frank valerie glenat livres

Premier tome de la deuxième vague des parutions du défi Destins, Paranoïa laisse un arrière-goût bizarre, de ceux que provoquent les mélanges les moins heureux.

Décidée à sauver Jane, cette immonde truie capitaliste qui ne mérite même pas l'électricité qu'elle va pomper pour son électrocution (en même temps, ça la changera), Ellen se dirige résolument vers l'aéroport. Plus rien désormais ne la fera reculer, et les affaires familiales ne feront que retarder son départ et lui faire avouer à son avocat de mari son crime et la façon dont elle compte réparer. Pourtant, une fois sur le sol américain, il ne s'avère pas si simple d'endosser la responsabilité d'un tel crime. Tous Je suis dessiné comme ça
Je suis dessiné comme ça
les enquêteurs qu'elle contacte sont persuadés qu'elle se dénonce pour se faire une bonne publicité. Ils refusent donc de la croire. Mais Ellen n'est pas devenu la femme qu'elle est sans un minimum de persévérance, et elle décide d'aller plus loin. Les résistances commencent alors à craquer, laissant apercevoir, dans la pénombre, certains protagonistes influents.

Avec un dessin très large et très sombre, qui donne l'impression de bouffer la page, Daniel Hulet remplit sans difficulté l'espace visuel. Mais le manque de détail (qu'on ne remarque pas immédiatement, sous tous les crayonnés de texture) laisse assez tôt une impression de vide. Bref, la partie dessin de ce tome ne charme pas. De plus on prend la mesure, dans les dernières pages où l'action se muscle, de l'immobilité du trait. Pour ce qui est de l'intrigue développée par Valérie Mangin, elle est assez vite déballée et, tout bien considéré, assez difficile à faire tenir sur un certain nombre de pages sans lasser. Et de fait, on a parfois l'impression qu'un peu de temps est perdu dans certaines scènes, qui semblent destinée essentiellement à remplir l'espace.

Pourtant on conserve l'impression diffuse que ce trait et ce style narratif pourraient accrocher, mais alors dans une autre forme d'histoire. Avec assez peu d'action, pas mal de parlotte et d'introspection, cet ensemble serait sûrement plus à son aise sur des récits noirs, glauques et viciés. Ici malgré le fond, l'intrigue garde un aspect clair, où la noirceur apportée par le style de ces auteurs n'est pas à sa place. A force, la lecture en devient gênante et prend parfois des zestes d'inutilité, dans le sens où on se demande si le choix de ce style était bien judicieux.

Pourtant c'est ici l'intérêt principal que de fournir une trame pour que s'expriment plusieurs auteurs dans des styles différents. Au-delà du simple défi scénaristique et du plaisir, une fois la collection achevée, de pouvoir relire à chaque fois la même histoire en choisissant sa version préférée, cela permet, comme dans un laboratoire, de tester la patte de plusieurs auteurs pour apercevoir les nuances que les styles impulsent à la base, comme un même paysage peint par plusieurs peintre.

En ce sens, ce tome garde toute sa légitimité, mais donne le sentiment de faire partie de ceux qu'on ne relira pas souvent.