7/10Chimère(s) 1887 - tome 3 - La Furie de St Lazare

/ Critique - écrit par Maixent, le 08/11/2013
Notre verdict : 7/10 - Les bas-fonds parisiens (Fiche technique)

Chimère d'un Paris disparu

La première chose que l’on remarque en ouvrant ce troisième opus de Chimère(s) c’est la baisse flagrante de la qualité du dessin qui a perdu en caractère. La variation est subtile mais le coup de crayon est moins rageur, moins anguleux, comme si tout avait été lissé.


Dans la tourmente
On retrouve d’ailleurs cette caractéristique chez beaucoup d’auteurs qui transforment leurs personnages au fil du temps, avec un style qui évolue. Il n’y a qu’à voir Jack Palmer qui prend avec l’âge une certaine bonhomie, se coulant doucement dans une vie plus rangée. Il n’y a pas de jugement de valeur, seulement un personnage qui change, perdant un peu de la fougue de sa jeunesse, plus rangé.

Fort heureusement, si le dessin est plus serein, les tribulations de Chimère ne s’arrêtent pas pour autant. Suivant le même schéma narratif que dans les précédents albums, nous suivons en parallèle la jeunesse de la mère maquerelle, une dizaine d’années avant le récit proprement dit, centré sur Chimère. Cette dernière tombée au centre d’un scandale politique digne de celui dans lequel était embrigadé Son Excellence Eugène Rougon tente de sortir son épingle du jeu mais ce n’est pas sans subir turpides et atrocités de la part de ses contemporains. On retrouve vraiment ce Paris couvert de miasmes, avec une violence et une crasse omniprésente. On n’est pas loin du Ventre de Paris et de ce pullulement humain marchant courbé sous les coups dans ses propres déjections. Il y aussi une part d’enquête et on s’attend presque à voir
Course poursuite dans le ventre de Paris
apparaître Victor Legris, le libraire détective de Claude Izner.

Ancrant le récit dans une réalité, on croisera des personnages réels comme le Docteur Charcot, célèbre pour ses travaux sur l’hypnose et l’hystérie ou encore Ferdinand de Lesseps, qui, selon la fiction se serait compromis dans une affaire de mœurs et de meurtre impliquant la jeune Chimère.

On est en plein dans les schémas classiques qui ont fait le succès des feuilletons du XIXème siècle avec un récit haletant, des images fortes, des passages obligés et une bonne dose d’outrages et de frissons. Dans les clichés on retrouvera l’artiste (maudit, comme tous les artistes) amoureux d’une femme dont il ne peut satisfaire les goûts dispendieux, une virée en prison avec une co-détenue à moitié folle, une course poursuite dans les bas-fonds… Mais tout cela ne gêne pas le récit, bien au contraire, cela répond à l’attente du lecteur qui
Rencontre avec Charcot
aurait été déçu sans ces poncifs ancrant Chimère(s) dans le genre rocambolesque.

Entre temps, chaque personnage a trouvé sa place et contribue à l’intrigue. On est curieux de la suite d’autant plus que le récit s’achève encore une fois sur une attente du lecteur avec une révélation, certes attendue, mais efficace.

Ce troisième tome confirme l’attachement à Chimère, la jeune fille qui grandit trop vite et devient maîtresse dans ce jeu politique, prête à tout pour trouver une place meilleure dans ce monde en décrépitude. Une construction narrative efficace malgré une évolution du dessin un peu décevante. En attendant, les travaux pour le second étage de la Tour Eiffel sont en cours…