8/10Cabu : reporter-dessinateur - Tome 1 - Les années 70

/ Critique - écrit , le 02/02/2007
Notre verdict : 8/10 - Peace and love (Fiche technique)

Tags : cabu dessinateur charlie hebdo ouest humour vents

Au final, Cabu reporter-dessinateur demeure un titre agréable à découvrir. Bien entendu, le côté engagé de l'auteur incitera plus facilement certaines personnes à investir dans le recueil que d'autres.

Les années 60-70 ont illustré un virage sociétal important au cours du siècle dernier. La France d'après guerre effritait doucement ses moeurs par le biais de mouvements contestataires. Un dessinateur, enfant de cette époque, grave sur papier les us et coutume de la verte campagne, dénonce les injustices ou évoque ouvertement ses opinions politiques. Muni d'un carnet et d'un crayon en guise d'objectif, Cabu raconte, illustre, caricature, émet des coups de gueules, pose des questions aux autres et à lui même tel un véritable reporter. Au bout du compte, l'homme balance entre militantisme et journalisme.


Petit avertissement sur le recueil qui nous est présenté: pour ceux qui pensaient pouvoir redécouvrir les archives illustrant parfaitement leur folle jeunesse, prenez garde! Cabu est un homme de gauche et le revendique. Ne pensez pas vous retrouver face à un enfant de coeur dont on aurait volé le scooter. Ici ,vous ne découvrirez pas d'illustrations représentant une idée symbolique dénuée de tout engagement politique à titre personnel, comme avec Plantu, par exemple. Cabu est un soixante-huitard engagé dans des causes qui lui tiennent particulièrement à coeur. Que ce soit son anti-militarisme né alors qu'il servait sous les drapeaux durant la guerre d'Algérie, son combat contre le nucléaire au coeur de la Guerre Froide, sa baignade au sein de la liberté sexuelle, son rapport plus ou moins rigide avec les politiques mais pas la politique... Cabu est un vestige de ce temps révolu. Autant vous dire tout de suite que le livre exposant son travail durant cette période n'est pas dépourvu de neutralité. Peut-on dire que cela constitue pour autant un défaut ? Non, au contraire. Nous pourrions même certifier que l'auteur montre une certaine vision des choses propre à cette époque, ce qui rend l'oeuvre tout aussi attrayante qu'un travail d'archivage classique. Mais épingler Cabu de cette simple étiquette ne mettrait pas au grand jour tout l'intérêt de ses réalisations.


Au delà de sa vision subjective des choses, l'homme nous expose un autre regard : celui d'un artiste retranscrivant sur son carnet des parcelles vies disparues (ses nombreux reportages sur les beaufs), des tendances éphémères retombées dans l'anonymat (le nudisme, les témoins de Jéhova), les artistes et oeuvres cinématographiques plus ou moins mémorables (Brel, Philippe Clay, le film Love Story), son amour flamboyant et velouté pour le jazz . De son trait fin et nerveux, l'homme part à la rencontre des gens, s'immerge dans leur quotidien et nous conte leurs joies, leurs peines, leurs difficultés ou leurs délires. Les souvenirs s'éveillent ou nous instruisent. On s'amuse de pouvoir constater l'évolution ou non de certains usages entre ses dires et les faits d'aujourd'hui. Toujours avec l'oeil aiguisé et le crayon acerbe pour instaurer une touche d'humour subtile ou provocatrice aujourd'hui étouffée par le politiquement correct.


Le livre jongle entre les planches de BD classiques et la superposition de plusieurs illustrations collées les unes aux autres. Ce dernier procédé peut paraître un peu confus lors de la lecture mais globalement, l'ouvrage est bien présenté. Au final, Cabu reporter-dessinateur demeure un titre agréable à découvrir. Bien entendu, le côté engagé de l'auteur incitera plus facilement certaines personnes à investir dans le recueil que d'autres. Mais il faut prendre le livre en question tel qu'il est, sans idées reçues pour mieux comprendre la mentalité d'une époque à l'image de ce "grand Duduche", ayant été la source même de changements importants dans notre société.