La Beauté
Bande Dessinée / Critique - écrit par wqw..., le 29/03/2008 (Blutch l’imprévisible nous plonge dans une galerie de l’étrange, s’amusant à semer le trouble dans l’esprit de son lecteur. Il ne faut pas chercher à comprendre ; il n’y a rien à comprendre.
Pas un mot dans ce nouvel album de Blutch.
Un bandeau ajouté sur la couverture, une préface explicative et puis plus rien si ce n’est une plongée en apnée dans un monde au crayon ; noir, blanc, rouge ; dessins denses d’un auteur à l’univers riche et souvent décalé. Une quête : la Beauté. Vaste concept qui, employé à tout va, finit par ne plus rien désigner, perdant ainsi définitivement son essence originelle. Retombant sur deux-trois notes jetées sur l’un de ses carnets, « La beauté n’est rien », « La beauté ou rien », le dessinateur tente d’établir une passerelle entre ces deux idées antithétiques, créant ainsi une faille dans le continuum espace-temps.
Il ne faut pas chercher une histoire ici. Il s’agit simplement de la mise en place d’un univers, un album de photo de famille retrouvé un peu par hasard dans une maison
de vacances. Dessins pleine-page, sombres, on se demande alors si on ne s’est pas trompé d’endroit. Des femmes nues, d’autres que l’on attrape par les pieds, des chiens, des bébés inquiétants, souvent disproportionnés, des hommes en costume, des volcans, de la nourriture. Le monde offert est surréaliste, parfois… souvent sexuel.
On pourrait être dans un roman de Patrice Modiano dont on aurait perdu le contrôle, contaminé par un esprit déviant qui suspend les corps avec des ficelles. L’étrange survient, dans un deuxième, un troisième plan, faisant d’une situation classique, quotidienne, un instant improbable, libre de toute contrainte. Le trait n’est pas net, on sent encore les cadavres d’esquisses, de mouvements, de personnages, enterrés sous la page. Une œuvre hantée qui met à mal les codes de la bienséance, plonge nos habitudes dans un abîme fantaisiste.
Après sa volupté simiesque et C’était le bonheur, Blutch l’imprévisible nous plonge, pour terminer sa trilogie, dans une galerie de l’étrange parfois inquiétante, s’amusant à semer le trouble dans l’esprit de son lecteur. Il ne faut pas chercher à comprendre ; il n’y a rien à comprendre. Rien à faire, si ce n’est de se laisser imprégner en prenant le temps. Simplement s’y risquer.